De Montréal à Mourial
« MONTRÉAL, DE BEAU DOMMAGE A GROS DOMMAGE »
Excellente chronique de Richard Martineau, ce matin, avec l’album-souvenir de Beau Dommage. Je n’en dirai aucun mal, car il faut savoir saluer une réussite. Mais ce n’est qu’une entrée en matière. Je vous invite maintenant à poursuivre la réflexion et vous pourrez ainsi comprendre pourquoi les régions en sont rendues aujourd’hui à détester autant Montréal ! Quand j’avais vingt ans, nous voulions tous migrer à Montréal, et plusieurs d’entre nous l’ont fait. Artistes, écrivains, historiens, musiciens, monteurs de ligne, etc…
Je me souviens de ma première visite. C’était en 1965. J’avais seize ans. Je transitais en train de Chicoutimi à North Bay pour aller travailler comme apprenti pour un entrepreneur italien. Mes yeux s’ouvraient à la vie. Place Ville-Marie pointait vers le ciel comme un phare. C’était le premier gratte-ciel que je voyais de mes yeux. Des grues sur des édifices en construction tout autour. Je n’avais pas assez de mes yeux pour tout voir, de mes deux oreilles pour écouter de nouveaux bruits, ceux d’une ville qui s’éveille. L’Expo 67 était en construction, le Métro tout neuf, le Tunnel Hyppolite-Lafontaine récemment ouvert. Même la pauvreté qu’on découvrait avait du charme. Les Canadiens français savaient y faire avec ça, la pauvreté. C’était pour eux un style de vie. « The sky is the limit »: comme on nous disait, pour montrer qu’on avait appris quelques mots d’anglais. Et puis les années suivantes plusieurs de mes amis, pressés de mordre dans la grande vie, ont quitté le Saguenay pour Montréal. Et quand ils venaient nous visiter pour nous raconter leur expérience, nos yeux s’illuminaient d’envie. Les chanceux ! On y parlait encore français. Entendre quelqu’un échanger en anglais était un étonnement.
Mais à partir des années 1980, tout à changé. Des premières ratées dans les communications et les logements de plus en plus couteux, de plus en plus poisseux. Des rats dans les ruelles, de l’eau d’aqueduc qui sent la merde. Des canalisations qui crèvent faute d’avoir été entretenues. Des quartiers entiers disparaissent pour permettre la construction de nouveaux échangeurs, ces mêmes échangeurs qu’on démoli aujourd’hui. Des ponts qui s’écroulent. Un tunnel usé jusqu’à la corde et qu’on ferme pour trois ans. Des villages de cônes oranges partout. Une immigration de plus en plus galopante, amenant avec elle des habitudes de vie dont nous nous serions bien passées. Une vie de quartier dégradée. La fuite des Montréalais de souche vers la périphérie, créant l’effet trou-de-beigne d’une urbanité dégradée, mal administrée, anglicisée, multiculturalisée. Un écart sans cesse grandissant entre richesse et pauvreté, le moteur de la violence urbaine de plus en plus violente. Une ville qui a perdu foi en elle, qui a oublié son histoire et qui crache sur la langue française. Une métropole devenue un gouffre sans fond pour les deniers publics, qui a perdu contact avec le Québec des régions qu’elle méprise, qui s’enfonce dans sa décadence.
Quarante ans. Il aura fallu seulement quarante ans d’un programme politique national desastreux, (tant provincial que fédéral), pour créer un tel échec, pour permettre à Ottawa de remplacer la population souche par une population d’immigrants qui apportent avec eux non seulement leur savoir-faire, mais aussi leurs problèmes et leurs mauvaises habitudes. Quarante ans pour faire d’une métropole-phare où tout était permis, de devenir une métropole en voie de sous-développement, une métropole arrogante, portant avec elle toutes les tares d’un Québec qui a perdu le sens de son histoire…
Akakia