De Québec à Saguenay en passant par Sagard
Le château de Paul Desmarais, à Sagard, un joyau du patrimoine bâti construit dans l'un des derniers recoins du Paradis perdu, à Saguenay. |
L’Empereur
de Sagard passe l’arme à gauche /
« Et
pourtant elle tourne » (dixit Galilée)
Difficile de ne pas être interpellé par la chose
publique par les temps qui courent. Les jours se suivent et ne se resemblent
pas. Il y a du mouvement dans l’air ! À commencer par l’Empereur de
Sagard, Missié Paul comme on prononce dans ce village perdu au cœur du massif
laurentien, rappelé par l’Éternel pour un dépôt de bilan. La dernière heure
embrasse toutes les autres, dit le poète ; même si elle arrive à 86 ans derrière
les lambris d’un château que bien peu de Saguenéens ont eu l’opportunité
de voir, et malgré tout ce qu’en disent ses laudateurs qui pleurent la perte de
ce « grand architecte de la haute finance
» (dixit Charlebois qui dit s’être « effondré » en apprenant la triste nouvelle).
Paul Desmarais et l'ex-président Nicholas Sarkozie, en son château de Sagard. |
On aura beau mettre les drapeaux du Parlement
canadien en bernes pour bien montrer que la politique a toujours été le lupanard
de la haute finance et imposer une minute de silence dans le Salon Bleu du
Parlement de Québec, la Terre n’arrêtera pas de tourner pour autant !
Laissez votre portable et votre carnet d’actions boursières sur le perron de la
porte du Paradis, je vous prie. À partir d’ici, ces colonnes de chiffres qui
ont fait frissonner les colonnes du temple en un temps où tout vous était dû,
n’ont plus cours.
Pour moi, qui rêve de changements allant au-delà du
cosmétique dans ce pays qui n’a de cesse de décevoir toutes les promesses dont
il était jadis porteur. Pour moi, qui n’ai pas oublié la vente de la Stone
Consol par Paul Desmarais (en 1974) et la mort de l’usine de Port-Alfred
qu’elle annonçait irrévocablement un quart de siècle avant le fait. Pour moi,
qui a toujours rêvé d’une société plus équitable à défaut d’être plus juste, je
me dis qu’il serait peut-être temps qu’on passe à autre chose, qu’on se remette
à construire le pays dont nous avons hérité de nos pères et de nos mères et
qu’on cesse de donner notre terre aux étrangers dans l’espoir d’être engagés
comme serviteurs.
Cela dit, pour ceux et celles qui s’émeuvent du
départ de Monsieur Desmarais, consolez-vous, il y en a déjà dix, cent, mille
qui attendent secrètement leur tour pour récupérer son bureau, ses vieilles
godassses, ses titres, ses vieilles manies et ses jardins à la française…
La
lutte électorale à Saguenay /
Les
Chicoutimiens l’ont dans l’os !
Jean Tremblay, maire sortant qui brigue un cinquième mandat à la tête de Saguenay. Au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit... |
Dans un autre ordre d'idées, tout le monde a lu les chiffres du dernier sondage des élections municipales à Chicoutimi (euh, Saguenay !) : 82% des intentions de vote au maire sortant, Jean Tremblay, et 18 % à son opposant du Renouveau Démocratique, Paul Grimard. Depuis la fusion municipale de 2002, c'était écrit dans le ciel. L'équation n'est pas difficile à comprendre et il suffit de faire la somme de ce qui motive les voteurs de la grande ville fusionnée : de fait, additionnez les électeurs de Jonquière, de La Baie et de Shipshaw à la majorité des intentions de vote des soixante ans et plus, et vous voilà assuré de revoir le maire sortant siéger à la prochaine table du conseil de Ville Saguenay. Et pour peu que vous y ajoutiez un opposant qui est identifié à Chicoutimi, qui manque manifestement de souffle au micro et qui a la mauvaise idée d'aller débattre dans les salons de l’Université du Québec à Chicoutimi devant des étudiants qui ne font pas le poids devant le groupe d'âge qui les a mis au monde, et rien ne vous assure que, le soir des élections, le score ne se modifiera pas à l’avantage du maire sortant.
Il ne s'agit pas pour moi de
prendre position ni pour l'un ni pour l'autre, mais simplement de constater les
faits : n'importe qui comme maire, pourvu qu'il ne soit pas de Chicoutimi, la
grande dupe de la fusion, condamnée qu'elle est à subir l'histoire imposée par
les anciennes villes voisines jusqu'à ce que son nom soit passé dans le carnet
des cités disparues sans laisser de traces.
La
charte des valeurs québécoises /
Enfin,
un débat significatif !
Troisième point à l'ordre du jour
des débats citoyens qui gravent la une des journaux depuis plus d’un mois, la
charte de la citoyenneté québécoise. Si Jeannette Bertrand m'avait invitée à
faire partie de son groupe, c’eut été pour moi un grand bonheur de signer mon
nom au bas de sa lettre ouverte. Voilà une femme qui n'a pas froid aux yeux,
une femme qui sait ce qu'elle veut et qui le dit sans poil à la patte avec des
mots bien sentis. Preuve que l'âge n'a rien à y voir quand on a de la mémoire,
du caractère et du génie. Entièrement d'accord avec la position bien tranchée
de cette femme extraordinaire, entièrement d'accord avec cette charte de la
citoyenneté qui aurait cependant gagné à être encore plus incisive envers les
signes religieux, et entièrement d'accord avec l'attitude du député Drainville
à qui je souhaite tout le succès possible avec sa loi.
Pour les épouvantails à moineaux,
pour les belles-mères de partis, les Lucien, les Gérard, les Jacques, les
Bernard et consorts qui, du haut de leur chaire, déplorent le débat et
disent craindre à la division des Québécois dans cet exercice, je réponds
que ce débat citoyen m'apparaît plutôt comme un signe de renouveau démocratique,
que le gouvernement du Parti québécois pose enfin les bonnes questions et les
bons gestes, et qu'il faut faire confiance au bon sens de notre société qui a
besoin de se redécouvrir une identité, un sentiment d’appartenance et une
fierté.
Pour dire autrement : que les
hommes et les femmes, qui ont l'intention de quitter leur pays natal pour venir
s'établir au Québec en espérant y trouver des jours meilleurs, sachent bien
dans quoi ils s'embarquent en faisant leurs bagages. Nous leur offrons notre
quotidien et toute l’humanité dont nous sommes capables. Nous leur offrons
l'égalité devant la loi et les mêmes droits sans exception, ce qui est tout à
fait normal dans une société évoluée. Mais nous les informons du même coup par
cette loi que tous ces avantages sont assortis d'un devoir qui leur incombe en
propre : celui de s'adapter et de s'intégrer à la société d'accueil, point à la
ligne. Au-delà de ce seuil, la maison commune qui nous abrite deviendra
rapidement trop étroite, et pour l’un et pour l’aute, et risque de devenir pour
le moins inconfortable à court terme…
Akakia