Abitibi-Bowater change de nom, voilà qui devrait régler son problème... mais pas le nôtre !
Petite histoire d'une longue tragédie...
Dans un message laconique adressé par le porte-parole officiel de la compagnie Abitibi-Bowater, la haute direction vient d’annoncer qu’elle entend changer de nom et invite ses employés à lui faire des suggestions. En procédant de la sorte, M. Richard Garneau, son président, dit qu’elle veut repartir sur de nouvelles bases, qu’elle est une nouvelle entreprise sur le plan légal, qu’elle a changé depuis sa fondation en 2007, qu’elle a moins d’usines, que cela lui « coûtera cher » mais que c’est là un passage obligé.Voilà qui devrait redonner confiance (!) au Saguenay–Lac-Saint-Jean, qui n’en finit plus de ramasser les cadavres d'usines laissés par cette multinationale un peu partout à travers les villes et les villages !!! Et voilà qui devrait permettre aux milliers de travailleurs mis à la rue, de chanter des requiem pour célébrer sa renaissance annoncée. Un lampion et quatre pleureuses drapées de noir pour suivre le cortège avec ça ?...
Vous voulez mon avis ? Permettez donc ! En quoi cette modification pourra-t-elle contribuer à la relance de cette entreprise qui a eu son heure de gloire si ce n’est, comme l’avoue M. Garneau, qu’elle voudrait bien se débarrasser de son image négative et qu’elle veut « créer un sentiment d’appartenance et fierté ». Pas croyable ce peuple ! Il n’y a bien rien que nous pour se mettre à pleurer sur les petits malheurs de l’auteure de notre propre tragédie.
En 1974, quand les compagnies Abitibi et Price se sont alliées ensemble pour former le holding Abibiti-Price, les deux entreprises avaient du vent dans les voiles et étaient la fierté des Ontariens et des Québécois qui les avaient construites. À cette époque, je m’en souviens, il n’y a pas un Saguenéen, pas un Jeannois qui n’était pas peiné de voir le nom de Price passer à la deuxième place, après le trait d’union. Mon beau-père, qui a aujourd’hui 84 ans et qui en a passé 40 au service de la Compagnie Price Limitée, déplore encore, après tout ce temps, la disparition du nom de la Compagnie Price qui faisait toute son histoire et sa fierté.
Perte de mémoire oblige !
Ce nom, bien qu’il était à consonance anglaise, était un étendard qui flottait au vent de la réussite du Saguenay–Lac-Saint-Jean pour tous ceux et celles qui le supportaient de leur travail. Ce nom, à lui seul, portait en lui une histoire, certes parfois douloureuse à évoquer, mais toujours chargée de sens et de promesses d’avenir. En 2007, quand les holdings Abitibi-Price et Bowater se sont mis la bague au doigt pour faire Abitibi-Bowater, c’était pour tenter de contenir deux méga dettes et permettre ainsi aux actionnaires de continuer de tirer les marrons du feu au prix des fermetures d’usines, des mise à pieds et des baisses de salaires de ses employés. Ce qui est un fait accompli aujourd’hui, un fardeau abandonné sur les épaules du peuple qui a eu l’imprudence de croire aux belles promesses de la multinationale.
Nous savons tous fort bien que le nom d’une entreprise représente la marque d’une réussite ou d’un échec. Une société d'affaires prospère et fière d'elle-même ne change pas de nom pour le simple plaisir de la chose. En fait, cela se résume à deux ou trois possibles : dans ces cas-là, on change de nom soit pour faire oublier son passé, soit pour se faire oublier, soit pour renaître dans la peau d’un autre parce que l’actuelle nous étouffe. Pour la Compagnie Abitibi-Bowater, il est clair que les trois raisons sont bonnes : 1- Faire disparaître la scène de ses agissements en grattant son empreinte partout où elle est passée ; 2- se laver de ses responsabilités historiques et de ses devoirs sociaux pour faciliter la remontée en bourse ; 3- aller là où elle a planifié d'aller sans devoir répondre de ses actes passés en vertu des contrats passés avec le Gouvernement du Québec.
« Le choix du Président »
Dans un cas comme dans l’autre, il n’y a que la principale intéressée qui y trouve son compte. Cela étant, pour la multinationale le nom à venir n’a donc pas réellement d’importance et c'est pour cette raison que les employés sont si royalement conviés à faire des suggestions. Ce qui importe, c’est de ne plus avoir le nom qui porte en soi le déshonneur doublé d'un pathétique échec ! De ces noms-là, j’en ai des dizaines en réserve : « Le Choix du Président », « AB1234-6969 », « La Marque sans nom »…
De cette manière, au moins, nous finirons tous, comme le demande M. Garneau, par oublier, comme tous les peuples sans histoire, que nous avons à faire aux mêmes banqueroutiers de profession qui ont jeté un pan entier de notre économie par terre. Vu que nous aurons la mémoire soulagée, nous en profiterons donc pour oublier du même coup que nous sommes toujours les otages et les dupes d’une entreprise qui n’a rien fait quand les temps étaient requis pour transformer ses usines de Port-Alfred, Dolbeau-Mistassini, Kénogami et Alma. Nous oublierons que les centrales hydroélectriques que nous leur avons confiées, pour assurer notre part du contrat social, ne nous appartiennent pas quand elle aura fini par trouver le moyen de les refiler en douce à un acheteur anonyme. Et nous oublierons, encore une triste fois, que M. Garneau a été nommé à cette présidence parce qu’il est Canadien français et que, par les temps difficiles que traverse sa multinationale, il n’y a rien de mieux qu’un bon Canadien français pour donner l'impression au peuple qu'il a réussi et pour faire cette sorte de boulot qui nous ramène invariablement à notre historique asservissement envers les étrangers...
Akakia
Dans un message laconique adressé par le porte-parole officiel de la compagnie Abitibi-Bowater, la haute direction vient d’annoncer qu’elle entend changer de nom et invite ses employés à lui faire des suggestions. En procédant de la sorte, M. Richard Garneau, son président, dit qu’elle veut repartir sur de nouvelles bases, qu’elle est une nouvelle entreprise sur le plan légal, qu’elle a changé depuis sa fondation en 2007, qu’elle a moins d’usines, que cela lui « coûtera cher » mais que c’est là un passage obligé.Voilà qui devrait redonner confiance (!) au Saguenay–Lac-Saint-Jean, qui n’en finit plus de ramasser les cadavres d'usines laissés par cette multinationale un peu partout à travers les villes et les villages !!! Et voilà qui devrait permettre aux milliers de travailleurs mis à la rue, de chanter des requiem pour célébrer sa renaissance annoncée. Un lampion et quatre pleureuses drapées de noir pour suivre le cortège avec ça ?...
Vous voulez mon avis ? Permettez donc ! En quoi cette modification pourra-t-elle contribuer à la relance de cette entreprise qui a eu son heure de gloire si ce n’est, comme l’avoue M. Garneau, qu’elle voudrait bien se débarrasser de son image négative et qu’elle veut « créer un sentiment d’appartenance et fierté ». Pas croyable ce peuple ! Il n’y a bien rien que nous pour se mettre à pleurer sur les petits malheurs de l’auteure de notre propre tragédie.
En 1974, quand les compagnies Abitibi et Price se sont alliées ensemble pour former le holding Abibiti-Price, les deux entreprises avaient du vent dans les voiles et étaient la fierté des Ontariens et des Québécois qui les avaient construites. À cette époque, je m’en souviens, il n’y a pas un Saguenéen, pas un Jeannois qui n’était pas peiné de voir le nom de Price passer à la deuxième place, après le trait d’union. Mon beau-père, qui a aujourd’hui 84 ans et qui en a passé 40 au service de la Compagnie Price Limitée, déplore encore, après tout ce temps, la disparition du nom de la Compagnie Price qui faisait toute son histoire et sa fierté.
Perte de mémoire oblige !
Ce nom, bien qu’il était à consonance anglaise, était un étendard qui flottait au vent de la réussite du Saguenay–Lac-Saint-Jean pour tous ceux et celles qui le supportaient de leur travail. Ce nom, à lui seul, portait en lui une histoire, certes parfois douloureuse à évoquer, mais toujours chargée de sens et de promesses d’avenir. En 2007, quand les holdings Abitibi-Price et Bowater se sont mis la bague au doigt pour faire Abitibi-Bowater, c’était pour tenter de contenir deux méga dettes et permettre ainsi aux actionnaires de continuer de tirer les marrons du feu au prix des fermetures d’usines, des mise à pieds et des baisses de salaires de ses employés. Ce qui est un fait accompli aujourd’hui, un fardeau abandonné sur les épaules du peuple qui a eu l’imprudence de croire aux belles promesses de la multinationale.
Nous savons tous fort bien que le nom d’une entreprise représente la marque d’une réussite ou d’un échec. Une société d'affaires prospère et fière d'elle-même ne change pas de nom pour le simple plaisir de la chose. En fait, cela se résume à deux ou trois possibles : dans ces cas-là, on change de nom soit pour faire oublier son passé, soit pour se faire oublier, soit pour renaître dans la peau d’un autre parce que l’actuelle nous étouffe. Pour la Compagnie Abitibi-Bowater, il est clair que les trois raisons sont bonnes : 1- Faire disparaître la scène de ses agissements en grattant son empreinte partout où elle est passée ; 2- se laver de ses responsabilités historiques et de ses devoirs sociaux pour faciliter la remontée en bourse ; 3- aller là où elle a planifié d'aller sans devoir répondre de ses actes passés en vertu des contrats passés avec le Gouvernement du Québec.
« Le choix du Président »
Dans un cas comme dans l’autre, il n’y a que la principale intéressée qui y trouve son compte. Cela étant, pour la multinationale le nom à venir n’a donc pas réellement d’importance et c'est pour cette raison que les employés sont si royalement conviés à faire des suggestions. Ce qui importe, c’est de ne plus avoir le nom qui porte en soi le déshonneur doublé d'un pathétique échec ! De ces noms-là, j’en ai des dizaines en réserve : « Le Choix du Président », « AB1234-6969 », « La Marque sans nom »…
De cette manière, au moins, nous finirons tous, comme le demande M. Garneau, par oublier, comme tous les peuples sans histoire, que nous avons à faire aux mêmes banqueroutiers de profession qui ont jeté un pan entier de notre économie par terre. Vu que nous aurons la mémoire soulagée, nous en profiterons donc pour oublier du même coup que nous sommes toujours les otages et les dupes d’une entreprise qui n’a rien fait quand les temps étaient requis pour transformer ses usines de Port-Alfred, Dolbeau-Mistassini, Kénogami et Alma. Nous oublierons que les centrales hydroélectriques que nous leur avons confiées, pour assurer notre part du contrat social, ne nous appartiennent pas quand elle aura fini par trouver le moyen de les refiler en douce à un acheteur anonyme. Et nous oublierons, encore une triste fois, que M. Garneau a été nommé à cette présidence parce qu’il est Canadien français et que, par les temps difficiles que traverse sa multinationale, il n’y a rien de mieux qu’un bon Canadien français pour donner l'impression au peuple qu'il a réussi et pour faire cette sorte de boulot qui nous ramène invariablement à notre historique asservissement envers les étrangers...
Akakia