Les délires d'Akakia

jeudi, juin 28, 2007

Le Québec malade de lui-même – Un « Conte du Bas-du-Fleuve » !

La question qui tue !

Le débat des accommodements raisonnables, qui a exulté avec l'affaire d'Hérouxville, l'hiver dernier, a ouvert une brèche inédite dans le dernier chapitre de l'histoire du Québec qui n'a de cesse de régresser. Minée de l'intérieur par les démons de la xénophobie contre lesquels elle se croyait exorcisée jusqu'au jugement dernier, la société québécoise est devenue méconnaissable avec le tournant du millénaire. Elle donne aujourd'hui l'impression d'une société morcelée, « dressée contre elle-même », en proie à des convulsions ethniques tout à fait inédites, cassée en deux si ce n'est en trois sur les plans de l'occupation du territoire et du sentiment d'appartenance à une identité nationale : entendons le Nord, le Centre et le Sud ; respectivement occupés par les Autochtones (Indiens, Métis et Inuits), les Canadiens français et les néo-québécois.

Les Québécois sont ils à ce point déchirés ?! La question qui tue vient justement d'être posée par le journal Le Devoir aux lendemains de la fête nationale, à dix « personnalités venues des différents coins du Québec ». Pour Victor-Lévy Beaulieu, le premier intello du lot appelé à donner le coup de pied dans le tombereau de fumier fumant de la fameuse nation civique, le problème est fondamental et est imputable, au premier chef, à nos élites municipales qui sont « prêtes à tout pour de l'argent vite fait ». C'est écrit en toutes lettres dans Le Devoir du 26 juin dernier.

Son coin de pays à lui, nommons la région de Trois-Pistoles et le collier de municipalités qui l'encercle, se meurt, déplore-t-il tout-à-trac, de la médiocrité de ses élus, du vieillissement de sa population, de ses... « femmes battues » (c'est encore écrit en toutes lettres !), des familles qui se passent les chèques d'assistance sociale de père en fils depuis au moins trois générations, et de son effondrement démographique qui lui aurait coûté semble-t-il la moitié de ses habitants depuis le dernier demi-siècle.


La panacée

Pour l'auteur de Jos Connaissant qui, par une totale méconnaissance des ressorts fondamentaux déterminant la manière d'évoluer des sociétés (nommons au premier chef le principe de... « l'égalité des chances » qui aurait fait des régions ressources (sic) des partenaires de Montréal plutôt que des colonies) ; pour V.-L. B. donc, il n'y a qu' « une seule solution » pour tirer le Québec de sa descente aux enfers : « l'immigration » ! L'immigration accompagnée d'une assimilation forcée de ce qui reste de Québécois pure laine, par le métissage. Pour rendre nos infrastructures régionales viables, explique-il le plus sérieusement du monde, il ne suffirait donc que d'un « apport massif d'immigrants » ; ce qui « forcerait les autorités locales à sortir de leur xénophobie, à s'ouvrir sur un monde, ne serait-ce que celui de Montréal, qu'ils ne connaissent pas et dont ils ont peur ».

Autrement dit : montréaliser l'ensemble de la société québécoise, du nord au sud en passant par le centre, à défaut de pouvoir faire le contraire. Pour être plus précis au cas où vous n'auriez pas bien saisi l'astuce, il suffirait à la seule Gaspésie d'un flux de 5000 immigrants triés sur le volet, exclusivement des « jeunes », « déterminés » et accrochés à un chèque de « 30 millions de dollars sur cinq ans, [de manière à] pouvoir relancer l'agriculture, l'agroalimentaire, la forêt, l'agroforesterie et le tourisme ». Rien que ça ! C'est tellement simple, tellement « radical » pour reprendre le terme exacte du prolifique auteur, qu'on se demande pourquoi les gouvernements provincial et fédéral qui se sont succédés depuis le début des années 1970 et qui ont programmé de toute leur incompétence le fameux « modèle québécois », n'y ont pas pensé ?

Voilà qui devrait faire plaisir au maire Tremblay (celui de Montréal), à Pierre Falardeau, au président de la SSJB section Ludger-Duvernay et à bien d'autres encore qui n'en demandaient pas tant, pour tonifier Montréal, la métropole effondrée, et guérir de la maladie de la mort lente une nation malade d'elle-même, pour ne pas dire malade à en crever de sa métropole et de ces faiseux de pays qui ont laissé la proie pour l'ombre en reniant l'existence même des Canadiens français afin de conquérir le coeur des derniers arrivants. Il y a, dans cette rocambolesque saga, de quoi inspirer le prochain one man show d'Yvon Deschamps, dans sa formidable suite de « Conte du Bas-du-Fleuve ».


L'assimilation volontaire des Canadiens français

À maladie de cheval remède de cheval ! Mais ce que ne dit pas le vétérinaire qui nous propose cette panacée pour remettre sur pied le Québec profond à partir de son Bas-du-Fleuve natal, c'est de quel chapeau il entend faire sortir ces 5000 nouveaux habitants (quand on sait si bien que Montréal a toutes les peines du monde à attirer sinon retenir son apport migratoire qui est loin de souffrir la comparaison avec le reste du Canada) ? C'est comment il entend instruire tous ces gens venus d'Afrique, d'Asie, d'Amérique du Sud et des Europes, aux particularités incontournables de l'agriculture boréale et laurentienne, de l'agroalimentaire, de la forêt, et de l'agroforesterie qui se pratiquent dans le plat pays ?

Il lui faudrait nous dire également, comment il entend sortir les aborigènes de Trois-Pistoles et des environs de leur dépendance chronique aux prestations d'aide sociale ? Comment il entend étendre ce formidable modèle au Nunavik, à l'Abitibi, au Saguenay–Lac-Saint-Jean et à la Côte-Nord qui souffrent, il faut bien le dire également, du même syndrome de l'effondrement du fameux modèle québécois ? Et il devra nous expliquer comment il entend faire accepter cette formule d'assimilation volontaire en faveur de l'arrivant, par les autochtones des régions ressources —Indiens, Métis, Inuits et Canadiens français— qui, contrairement à ceux qui pensent comme lui, sont loin d'avoir jeté la serviette...

À défaut de reforger les ressorts mal trempés et mal recuits qui ont provoqué l'éclatement du pendule fleurdelisé, vidons donc simplement le boîtier et remplaçons-le par une carte à puces imprimée à l'étranger de manière à ce qu'ils s'y retrouvent bien chez soi.

Du principe de l'inégalité des chances comme modèle

Auteur de « La désintégration des régions du Québec » publié en 1991 aux Éditions JCL, le sociologue Charles Côté a pourtant tenté, jusqu'à l'épuisement de ses forces, à attacher le grelot de la désintégration des régions. Peine perdue. Le Québec a toujours cette formidable faculté de se conter des histoire à dormir debout et de regarder les yeux à l'envers l'étroit sentier qui mène à sa destinée. Dans les conclusion d'un modeste « Mémoire [présenté le 10 juillet 1986] à la Commission d'Étude sur l'avenir des municipalités » du Québec, Côté avait du reste établi, données officielles à l'appui, que le sous-développement économique des « régions ressources » —au profit de Montréal— mettait la table à leur sous-développement social, à leur appauvrissement, à un accroissement de la morbidité, à un déclin des naissances doublé d'un exode massif de leur jeunesse au profit de Montréal. Si rien n'était fait prestement pour corriger la trajectoire, le Québec était en train de s'engager, l'accélérateur au plancher, dans le dernier droit le menant aux abîmes de son histoire. Je le répète : nous étions alors en... 1986.

Pour ce chercheur, qui commençait à battre la mesure dans la double foulée du « Mémoire du Conseil des affaires sociales et de la famille présenté devant la Commission d'étude sur les municipalités » (10 juin 1986) et du « Rapport de la commission d'étude sur les municipalités » présidé par Jacques Parizeau en personne (automne 1986) ; rien ne pouvait être plus clairement établi. La suite de cette incroyable histoire de désintégration nationale concoctée en 1970 dans la plus totale des complicités entre les élites, les élus et les parlements, était toute écrite. Lisons plutôt :

« N'est-il pas étonnant d'apprendre, par exemple, que les mauvais résultats en mathématiques et en français, qu'un nombre anormalement élevé d'arrestations pour facultés affaiblies, que les logements insalubres, que le nombre d'adultes condamnés, qu'une plus faible espérance de vie à la naissance, qu'une plus grande proportion des prises en charge pour délinquance et protection sociale, qu'un plus faible niveau de scolarité, qu'un revenu qui se situe sous le seuil de la pauvreté, etc. se trouvent toujours concentrés dans les mêmes territoires. » (Cf., Mémoire du Conseil des Affaires sociales..., op. cit., p. 4)


Tant qu'à mourir bêtement, mourons lâchement !

Trente ans plus tard, les jeux sont faits. Le Québec a fini par se consumer lui-même, de lui-même et par lui-même. Félicitons-le ! Totale réussite ! Pour en arriver à ce formidable résultat, il n'a pas eu besoin de son ennemi séculaire, l'anglo-saxon. Il n'avait, comme il l'a fait si bien du reste, qu'à remettre sa destinée aux mains des clercs qui ne se sont pas privés pour entasser Pélion sur Ossa ! À cet égard, la solution que nous offre ces jours-ci Victor-Lévy Beaulieu n'a donc rien d'une trouvaille. Elle n'est que la suite d'un lancinant parcours, qu'un rappel de l'ordre du jour d'un sordide programme politique visant à vider le Québec des « régions ressources » pour permettre à Montréal de sauver sa peau en s'emparant des lambeaux des régions qu'elle a vampirisées. De toute beauté !

S'il y a une victoire dont le Québec peut se vanter aujourd'hui, c'est bien celle d'avoir réussi, en trente ans seulement, à s'auto-mutiler avec une telle efficacité qu'il a même été en mesure de buriner sa propre épitaphe : « Requiescat in pace. » (opere citato V.-L. B.). Non seulement les Québécois n'ont-ils pas déjà payé le gros prix de ce cuisant échec collectif, voilà que, par la plume d'une classe d'intellos en bobettes, d'écrivains satisfaits d'eux-mêmes et de récipiendaires de la République des Médaillés à qui le présent gouvernement Charest vient de confier au reste la lourde responsabilité de trouver une solution à la crise d'Hérouxville (une crise dont ils ne sont pas étrangers !) ; non seulement n'ont-ils pas payé suffisamment cher pour des politiques suicidaires, voilà que le Québec des régions, par l'une de ses plumes les plus vibrantes, la plume la plus « prolifique du Québec » cela est aussi vrai, en redemande encore et encore, s'offrant même à troquer les trois derniers joyaux du patrimoine ancestral : sa mémoire ; son identité ; sa dignité.

Tant qu'à mourir bêtement, pourquoi pas en profiter pour mourir lâchement ? Deux morts pour le prix d'une. De cette manière, les Québécois seront sûrs et certains de ne pas en avoir manqué une !...

Triste fin !

Akakia

samedi, juin 23, 2007

Enfoussisement des déchets domestiques au Saguenay–Lac-Saint-Jean, une saga environnementale qui pue...

Mise en situation :
La MRC Lac-St-Jean-Est est dans l'obligation de se conformer aux nouvelles normes sur les matières résiduelles à partir du 31 janvier 2009. Elle doit donc, ou fermer le site actuel situé à L'Ascension sur la rive du Péribonka qui est en opération depuis 1982, et installer un nouveau site ailleurs, ou bien rendre le site conforme et continuer les opérations pour une trentaine d'années et probablement beaucoup plus encore. La population locale et ses élus ne veulent pas de cette alternative puisqu'il y de grands risques environnementaux associés aux opérations (pollution des eaux souterraines, de la rivière Péribonka, une des grandes rivières tributaires du lac Saint-Jean et de son seul exutoire, le fjord du Saguenay. Contamination des sols etc.). Après une année et demi de tergiversations, il y a possibilité de s'entendre pour une fermeture définitive du site dans sept ans, en 2013. Le maire d'Alma a effectué une sortie pour torpiller l'entente éventuelle et permettre les opérations du site actuel pour des dizaines d'années encore. Une saga qui promet!


Coup de gueule du maire d'Alma, Gérald Sculion...
Commentaire de Richard Harvey
L'Ascension

Une semaine après avoir voté une résolution proposant la fermeture définitive du site d’enfouissement de l’Ascension, les élus de la MRC Lac-Saint-Jean Est sont replongés dans le dilemne avec la sortie pour le moins intempestive du maire d’Alma Gérald Sculion qui remet en question l’entente. De façon non équivoque et dans son style habituel le maire a tenu des propos méprisants envers la population et les élus du Secteur Nord en contestant la fermeture du site. Se basant sur une étude de faisabilité incomplète et sur l’avis télescopé d’un « expert » du ministère de l’Environnement confirmant la sécurité environnementale – fort contestable par ailleurs – du site de l’Ascension, le maire d’Alma invoque des coûts trop élevés et prend personnellement l’initiative de saborder le règlement potentiel du conflit, quitte à provoquer un schisme imminent au sein de la MRC.

Le discours des maires du Secteur Nord est pourtant clair. La population ne veut pas d’un projet qui perpétue l’image d’une gestion publique renfrognée et obtuse où la valeur d’un projet est inversement proportionnelle à son coût. La gestion des matières résiduelles constitue le défi de l’avenir pour les populations des bassins versants et les élus doivent envisager dorénavant avec ouverture et intelligence « toutes » les options avant d’engager les fonds publics dans un projet concret. Leur argumentaire est fondé sur des facteurs économiques, sociaux et environnementaux raisonnés et rationnels qui n’ont rien d’une simple question de principes. Que les élus de la MRC se le tiennent pour dit.

L’analyse sérieuse de toutes les alternatives s’impose donc de toute évidence avant même de s’arrêter à promouvoir une option ou une autre. Certaines données techniques et économiques contenues dans l’option du maire d’Alma sont partielles ou carrément absentes. Par exemple, le centre de tri, le tonnage etc. De plus, les économies d’échelle que pourraient procurer un centre régional, incluant Saguenay, n’ont pas été prises en compte ni explorées. A vue de nez comme ça, elles apparaissent pourtant considérables et cadreraient beaucoup mieux dans une perspective de développement durable.

Voilà donc poindre un défi que, de toute évidence, le maire Sculion a peine à relever. Le coup de gueule du maire d’Alma donne raison plus que jamais aux représentants municipaux du Secteur Nord et au maire de l’Ascension, Louis Ouellet au premier chef, qui exigent un contrat en « béton » pour assurer la fermeture définitive du site dans des délais raisonnables.

Enfin, établir un site d’enfouissement de millions de tonnes de détritus à cent mètres d’une des plus belles rivières de la planète - la Péribonka - n’est peut-être pas la plus intelligente des alternatives envisageables et souhaitables. Une erreur que nous avons aujourd’hui, l’opportunité de corriger.

mardi, juin 19, 2007

Langue de vipère !

Les conclusions récentes d'études épidémiologiques viennent d'être révélées par la revue médicale "The Psychoscientist". Les voici.

A) Les japonais mangent très peu de matières grasses et ont moins de crises cardiaques que les anglais et les américains.

B) Par contre, les français mangent beaucoup de matières grasses et sont moins sujets aux crises cardiaques que les anglais et les américains.

C) Les japonais boivent peu de vin rouge et sont moins sujets aux crises cardiaques que les anglais et les américains.

D) Les français boivent énormément de vin rouge et sont aussi moins sujets aux crises cardiaques que les anglais et les américains.

E) Conclusion : buvez et mangez ce que vous voulez. C'est parler anglais qui tue.


Courtoisie, Esther Gravel,
Saint-Félicien on the St. John Lake

jeudi, juin 14, 2007

L'Alcan rudement prise à partie par le maire de Saguenay

Construite en 1943, la centrale de Shipshaw, à Saguenay, est la plus importante du réseau hydroélectrique Alcan au Saguenay/Lac-Saint-Jean. Elle a franchi,l’an dernier, ses 60 ans de production. ET CE N'EST QU'UNE PARMI PLUSIEURS AUTRES !...»


Le maire de Saguenay pète les plombs

Dans une entrevue accordée hier à une station de radio régionale (KYK-FM, pour ne pas la nommer), le maire de Saguenay, M. Jean Tremblay, a fustigé l'Alcan comme jamais il ne l'avait fait auparavant. Choqué par l'annonce de la multipui$$ante qui a entrepris —encore une triste fois— de contester son compte de taxes municipales, le bouillant maire qui trime dur par les temps qui courent pour boucler son budget, ne s'est pas privé d'épithètes pour évoquer la rapacité proverbiale de l'entreprise et les manquements de toutes natures qui ont marqué ses pas depuis qu'elle a entrepris, en 1922, de faire du lac Saint-Jean et de la population régionale, SON réservoir énergétique et SON bassin de main d'oeuvres à tout faire jusqu'à ce que mort s'ensuive.

Pour savoir de quoi il retourne plus précisément cette fois-ci, rappelons simplement que l'Alcan entend récupérer, par la voie des tribunaux, 5,900,000$ sur sa facture de taxes qu'elle juge excessive ! Il n'en fallait pas plus pour excéder le maire de Saguenay qui, à juste titre, ne s'est pas privé pour rappeler les dernières ladreries de l'Alcan et quelques-uns de ses manquements les plus pervers à l'endroit de la société d'accueil qui y trouve difficilement son compte malgré les 600M$ de bénéfices nets qu'elle a récupérés de ses activités au cours du seul premier trimestre de l'année. À la question posée par l'animateur désireux de savoir s'il était vrai que les patrons de l'Alcan ne l'aimaient pas, le maire a rétorqué du tac au tac : « Je vais vous dire : les gens de l'Alcan ils aiment rien qu'une affaire, l'argent. C'est tout ce qu'ils aiment. [...] Ils n'aiment qu'une seule chose, les gens d'Alcan : l'argent, point final. Pis le monde de la région c'est zéro pour eux autres. C'est l'argent. C'est tout ce qu'ils aiment. [...] La dynamite va sauter un jour ! Je vous le dit, la dynamite va sauter tout le monde le pense... »

Le vice président régional d'Alcan Métal primaire, M. Dominique Bouchard, et sa responsable en communications, Margot Tape, ne sont pas contents. Mais alors là pas du tout !

D'une part, disons que, pour ceux qui aiment bien se vendre tous les jours et qui n'ont jamais assez de maîtres autour d'eux ; pour ceux également qui s'en mettent plein les poches grâce à leurs accointances avec les petits rois-nègres régionaux ; pour le centre de recherche de l'UQAC sur l'aluminium (un laboratoire de l'Alcan, déguisé en institution d'enseignement et administré avec les deniers publics) ; et pour les petits affairistes qui n'ont de cesse de s'user les genoux dans les bureaux de l'Alcan pour remplir leurs sacs de 30 deniers, disons que le maire n'aurait pas dû secouer de la sorte les chaînes de notre esclavage collectif. En contre-partie, pour le peuple, qui en bave comme toujours et qui a perdu toute emprise sur ses ressources naturelles, il lui sera bien difficile de dire tout haut ce qu'il pense réellement tout bas pour ne pas y perdre au change : entendons que l'Alcan est un goinfre sans bornes qui n'a d'yeux et d'ouïe que pour ses actionnaires apatrides, ce qui est loin d'une contre-vérité et ce qui est loin de nous en donner pour nos efforts et privations.


Une mauvaise humeur qui est loin d'être une première au Saguenay

Dans ce quiproquo qui a vitement fait de se retrouver à la une des médias montréalais, je suis d'avis que le débordement de langage de notre maire doit être simplement décodé pour ce qu'il est : entendons le cri du coeur d'un citoyen excédé par le laxisme de l'État, et le haut-le-coeur d'un élu du peuple qui, dans la suite de plusieurs de ses prédécesseurs à la table du Conseil, a vu se déglinguer brique par brique tout un pan de l'édifice industriel du Saguenay–Lac-Saint (à commencer par la dénaturalisation des grands plans d'eau et des tributaires du Saguenay et à finir par l'effondrement d'une industrie forestière dont les multinationales ont abusé jusqu'au trognon).

Le maire Tremblay a-t-il eu tort d'avoir raison ? Est-ce là le débordement d'un esprit furtif ou le troublant symptôme d'une tension sociale appelée à s'envenimer ? Difficile à dire, mais l'analogie qu'il faut faire entre les esclandres de notre maire et ceux de ses prédécesseurs, pousse à se questionner davantage sur la raison de l'histoire que sur les ressorts par où elle se manifeste.

Pour ceux et celles qui aimeraient bien être calife à la place du calife et qui seraient tentés de me porter grief d'avoir pris ainsi la défense de notre premier magistrat, je prends le temps de leur rappeler que la sortie du maire Tremblay est indissociable de l'histoire de notre aliénation collective envers les multinationales et le « trust de l'électricité » qui, de tout temps, a agi au Saguenay grâce à la duplicité du gouvernement du Québec et au voilier de goélands en cravate qui aiment bien se repaître de ce qui tombe de ses latrines. De fait, on aura intérêt à ne pas oublier qu'au cours de son long mandat qui s'est étiré de 1950 à 1964, le maire de Chicoutimi, Rosaire Gauthier, avait combattu bec et ongles les pouvoirs démesurés de l'Alcan au Saguenay et qu'il avait construit toute sa force politique autour du thème de la « municipalisation de l'électricité », soit dit en passant un projet aussi révolutionnaire que structurant qui fut finalement récupéré et nettoyé de sa substance régionale par l'équipe de Jean Lesage qui l'a englouti dans la nationalisation de l'électricité, en 1963.

La « Déclaration faite à la séance du Conseil du 3 octobre 1955 par le maire Rosaire Gauthier en réponse à l'invitation de M. R. E. Powell » (président de l'Alcan) qui lui tendait une branche d'olivier, est une pièce d'anthologie qui mérite ce rappel : « Prenez garde Messieurs du Trust, que le vent que vous soulevez aujourd'hui ne vous renverse comme un fétus de paille, et avant qu'il ne soit trop tard, pour votre prospérité présente et future ; engagez-vous franchement au plus tôt dans la seule bonne, la seule sure, la seule durable, ou réelle voie de collaboration, de l'entente, du respect des droits des autres ; car c'est encore là [que] vous rencontrez mieux que des amis imbéciles, des amis intelligents animés des meilleurs sentiments à votre endroit... »

Le coloré maire de Chicoutimi, Rosaire Gauthier, dans une pose familière, alors qu'il ne se privait pas pour dénoncer la voracité de la puissante multinationale.


Symptôme inquiétant d'une double tension sociale et politique qui a des racines profondes

À l'époque, les gens de Chicoutimi avaient applaudi leur maire à deux mains, et le président de l'Alcan avait fait ce que font tous les présidents d'entreprises inscrites à la bourse quand l'ennemi est à ses portes —c'est-à-dire plier les genoux afin de ne pas perdre cette faramineuse opportunité de s'en mettre plein la bourse ! Les décennies suivantes ne manquèrent pas de donner raison au sens pratique de Mr Powell. De telle sorte qu'au cours des années soixante, la multinationale poussa ses investissements dans une course effrénée contre la montre, ses profits se décuplèrent de paire, le nombre d'emplois liés directement aux activités Alcan sautèrent derechef la barre psychologique des 10 000, et le Saguenay entra ainsi donc dans une ère de prospérité aussi relative qu'éphémère. Quant au maire Gauthier, il en fut quitte pour la mise au rancart en 1964. Ce qui n'empêcha pas l'histoire de lui donner rapidement raison puisque l'Alcan est restée totalement maître de tous ses pouvoirs, prérogatives et privilèges en son royaume.

Vous voulez que je vous dise encore !? La population du Saguenay–Lac-Saint-Jean n'a aucune dette envers l'Alcan. Et s'il y des dettes à prendre en compte ici, ce sont plutôt celles qu'entretient toujours cette grande industrie envers nous. Notamment celle d'avoir pollué notre eau, notre air et notre sol de toutes les manières possibles et imaginables pour les siècles et les siècles ; puis celle d'être devenue une des multinationales les plus puissantes et les plus riches de la planète grâce à notre trop grande générosité ; et encore celle d'avoir étouffé notre développement économique jusqu'au point de nous tiersmondiser en monopolisant, pendant trois quarts de siècle, nos ressources hydrauliques, hydroélectriques et humaines, notre génie et nos muscles. Alors pour les leçons de savoir vivre entre gens bien éduqués, la multipui$$ante n'est vraiment pas en position de nous en donner...

Akakia

mercredi, juin 13, 2007

« Ils n'en mourroient pas tous mais tous en étoient frappés »


Ce pays est vraiment malade de lui-même ! Après le scandale des commandites et les fastueuses élucubrations de l'ex-gouverneure-générale du Canada, Mme Clarkson (une garde-robes princière payée à même nos taxes et impôts), voilà que le virus de la folie des grandeurs ronge cette fois-ci cette autre membre inutile de la moëlle épinière de la monarchie constitutionnelle canadienne, en la personne de Mme Lise Thibault, ex-lieutenant-gouverneure de la province de Québec. Selon ce qui ressort des examens minutieux de la Vérificatrice générale du Canada, Mme Thibault, une femme pourtant sortie d'un milieu modeste, a vite appris à ne pas regarder à la dépense lorsqu'elle était en fonction (de 1997 à 2007).

Chaise roulante ou pas, la Madame roulait carrosse doré ! Selon la Vérificatrice générale, Sheila Fraser, elle aurait utilisé ainsi quelque 710 000$ de fonds publiques pour des dépenses jugées « inacceptables ». Parmi ces irrégularités facturées aux comptes publics sous de fausses représentations, notons simplement des doubles facturations (129 000$, c'est quand même pas rien !), des dépenses personnelles, des parties de golfe, des voyages, des tickets d'avion et une multitude de petits bonheurs d'occasion qui auraient profité à ses proches et que l'État n'avait réellement pas à prendre en charge.

Malgré ses « troubles de mobilité » (sic !) et ses limites intellectuelles apparentes, Mme Thibault n'a donc pas pris de temps à apprendre l'abécédaire de la folle dépense et de l'abus public. Elle avait de l'État un carnet de chèques en blanc, elle avait en elle une tache sociale à faire disparaître, et elle n'avait qu'à demander une brosse à dents en or pour en avoir une. C'était bar ouvert, elle avait le droit de commander des bouteilles de millésimé qui n'étaient pas sur les tablettes, et elle s'est servie tant qu'elle a pu. De fait, elle s'est bien amusée et elle a bien ri pendant qu'elle était en fonction ! Ce qui prouve bel et bien qu'il n'est point nécessaire d'avoir du génie, tous ses membres et de la culture pour apprendre à dépenser comme une reine quand les temps s'y prêtent. Il suffit de laisser aller librement ses penchants pour le luxe et le lucre, de faire pitié dans sa chaise roulante quand cela est possible, et la nature sait bien faire le reste.

La suite est toute indiquée ! Mme Thibault sait fort bien qu'elle ne remboursera pas un traître sou. Elle sait fort bien, en effet, que la nature même de cette fonction est un abus du système, une dysfonction constitutionnelle, et qu'elle n'a plus qu'à sauver l'image par une mise symbolique —une visite communautaire dans un centre d'accueil pour les femmes victimes de violence conjugale par exemple— pour que le système sauve la face. Ceux qui font voter les lois derrière les rideaux opaques, savent fort bien au reste que l'été va laver l'essentiel de cette dette d'honneur que le public a déjà payé de ses sueurs et de ses labeurs. C'est triste et désolant à dire comme ça, mais c'est le jeu du maître et des esclaves auquel nous acceptons de souscrire par notre lâcheté. « Ils n'en mourroient pas tous, comme disait l'autre, mais tous en étoient frappés »

« Manger l'herbe d'autrui ! quel crime abominable !
Rien que la mort n'étoit capable
D'expier son forfait. On le lui fit bien voir.
Selon que vous serez puissant ou misérable,
Les jugements de cour vous rendront blanc ou noir »
LaFontaine, « Les Animaux malades de la peste ».


Bonnes vacances quand même...

Akakia

mercredi, juin 06, 2007

Prix d'État décerné à Soljenitsyne – Ce que l'historien pensait de Montréal et du Canada était pour le moins prémonitoire...

Le président russe, Vladimir Poutine, vient de décerner à Alexandre Soljenitsyne, l'ancien dissident soviétique, le prestigieux Prix d'État pour « accomplissements exceptionnels dans le domaine humaniste ».

Ce prix, l'auteur de L'Archipel du Goulag ne l'a pas volé ! L'historien-fétiche du XXe siècle rugissant mérite mieux que quiconque cet hommage qui rejaillit, comme il se doit, de toute évidence, sur la compagne de sa vie, sur sa famille, sur son oeuvre et, hélas ! sur les manipulateurs de peuples qui lui offrent cette récompense ultime avant de faire le grand saut dans sa propre histoire. Un être d'une formidable puissance qui témoigne, par son propre parcours de vie et d'auteur engagé, de l'impossibilité de dissocier l'histoire de la politique. S'il faut avoir un modèle dans l'apprentissage de cet art qu'est l'histoire, je veux bien que ce soit lui. Le simple parcours de cet homme plus grand que nature, banni de son pays pour lui avoir voulu sa libération, mérite l'éloge de la planète toute entière. En tant qu'historien héritier de son message, j'aurai eu cette chance d'avoir été son contemporain.

À travers son oeuvre, l'écrivain, aujourd'hui malade et âgé de 88 ans, a révélé au monde la réalité du système concentrationnaire soviétique. «Toute sa vie, tient à témoigner Mme Soljenitsyne, Alexandre Issaïevitch a étudié l'histoire démentielle de la Russie du XXe siècle qui a engendré la révolution autodestructrice et rendu possible l'existence de L'Archipel du Goulag ». Du sang de martyrs dans les mains d'un pays qui en était déjà souillé pour la peine. Une histoire qui se répète sans cesse et qui semble vouloir plutôt s'étendre à l'ensemble planétaire au lieu de se résorber comme une vieille plaie.


Trudeau, Montréal et le Canada

Parenthèse. Si Soljenitsyne a su se faire très critique sur la Russie et sur les dérigeants de ce pays dont il ne s'est pas privé du reste de qualifier de « bandits », disons qu'il n'a guère été plus tendre envers le Canada, Montréal et Pierre Elliot Trudeau dont il trouva les contacts... « parfaitement inutiles » et le personnage totalement... « insignifiant » ! De quoi faire plaisir à bien des Québécois qui n'ont pas aimé et qui disent se souvenir. Quand on lit ce qu'il a écrit sur Nous, on se surprend d'abord, et on comprend vite pourquoi les journaux du pays, d'une mer à l'autre, n'ont pas pris le temps d'en faire la lecture à défaut de le porter aux nues. Lisons plutôt l'expression singulière de ses humanités :

« Ce que j'aperçus en premier fut Montréal et, vue du haut des airs, la ville me parut horrible, impossible d'imaginer plus affreux. Cette rencontre ne promettait rien au coeur. (Et les jours suivants, où j'y errai au hasard, confirmèrent cette impression.) Le monstrueux pont Jacques-Cartier, de métal vert, tout tremblant de trafic automobile sur ses huit voies, sous lequel j'aurais dû passer si j'étais arrivé en bateau ; et, tout de suite après, j'aurais vu les fumées sans joie de la brasserie avec son toit où flottent des drapeaux ; et l'alignement des quais industriels en béton à ce point inhumains que, dans une île du fleuve, les restes d'un vieux bâtiment mi-caserne mi-prison vous réjouissent l'oeil comme quelque chose de vivant. Puis, plus au coeur de la ville, la tour noire de la radio canadienne suivie du groupe absurde et serré des gratte-ciel en forme de boîtes plantés au milieu d'immenses espaces urbains. Montréal aspirait à imiter les « mégalopoles » d'Amérique, mais sans en être capable. »
[...]
« Avant tout, en fait, le Canada ne ressemble pas du tout à la Russie : c'est un continent sauvage, peu peuplé, exposé au souffle des golfes boréaux, couvert de granit, si bien que, pour y tracer des routes, on n'arrête pas d'y forer des excavations. Les forêts ? On se les représentait luxuriantes, prospères, peuplées d'arbres aux troncs épais ; elle se révélèrent (dans l'Ontario, la seule province où j'avais l'intention de me fixer) rabougries, rien n'y retenait le regard, une sorte d'isthme de Carélie : durant de nombreuses années, on en a avec rapacité arraché chaque tronc un tant soit peu épais, des tracteurs l'ont extirpé de chaque fourré et on y a laissé qu'une insignifiante et malsaine population d'arbustes aux troncs chétifs. Si de belles essences d'arbres poussent sur un terrain, on veille à ce que ce soit spécialement indiqué dans le prospectus. (Plus tard, des fenêtres du train, j'ai regardé les steppes canadiennes, mais ce n'est qu'une steppe égale à perte de vue, impossible de se croire en Ukraine qui l'emporte largement par le pittoresque de ses fermes). Si seulement il y avait au moins des villes convenables ! mais le Canada est aussi à la traîne en ce domaine, et les villes y semblent envahies par la paresse intellectuelle : par contre, on voit des hippies abrutis, costauds, gras de lard : sur ce point, le Canada n'est pas à la remorque du monde civilisé, ils se chauffent au soleil sur les gazons, se vautrent dans des fauteuils dans les rues en plein pendant les journées de travail, bavardent, fument, sommeillent. [...]

Le Canada se révélait non pas simplement septentrional, mais, pour ainsi dire, oublieux de soi-même et endormi.[...]

Commencer par poser des voies ferrées toujours plus loin pour s'en désintéresser ensuite, voilà bien la manière jeune, vorace, rapace du continent américain : happer le fruit nouveau, mordre dedans, le jeter pour saisir le suivant... »


Et le tout est puissamment signé Alexandre Soljenitsyne, « Le grain tombé entre les meules », Fayard, 1998, pp. 241-247). Voilà qui aurait dû nous faire sursauter et réagir. Ce livre prémonitoire a été publié voilà dix ans. Et, aujourd'hui, rien n'a changé réellement dans la manière de faire ce pays et on ne peut que se désoler davantage à le voir aller nulle part...

AKAKIA

lundi, juin 04, 2007

Lettre à un folliculaire du Journal de Montréal (Richard Martineau)

(Pour lire cet extrait, cliquez sur l'image.)



Chicoutimi, le 4 juin 2007

M. Martineau.
J'ai lu votre commentaire de jeudi, 31 mai, sur la féminitude de Philippe Tisseyre et la mienne (« Je suis cool », in Journal de Québec). 

Vous avez parlé de moi comme si vous me connaissiez mieux que je ne le sais après avoir passé 58 ans avec le bonhomme –ce qui ne vous a pas empêché de mettre un « l » de trop à Russel ! Vous avez fait spectacle et vous vous êtes bien amusé. Mais vous n'avez pas rendu hommage à la qualité de vos lecteurs et à l'esprit de la réalité qui me conjugue tant au masculin qu'au féminin ! Me concernant, vous avez marié vos préjugés et vos convictions d'amuseur public à vos injures. Sans que cela soit nécessaire, sans aucune utilité et dans la plus totale des inélégances journalistiques, vous avez insulté ma compagne (depuis 36 ans, quand même pas mal pour une personne de mon « genre » !), qui est un être digne et respectable, qui n'a jamais volé l'air de personne, qui prend soin d'enfants en difficulté dans une polyvalente (ce qui l'oblige constamment envers ses petits protégés), et qui, du reste, ne vous a jamais rien demandé ! Cela n'est pas à l'avantage du chroniqueur et de sa tribune. Et je vous interdis formellement de la mêler à ma vie publique.

Vu que nous y sommes, permettez que je  réajuste vos flûtes qui sonnent faux : Je suis partiellement chauve et ne porte pas de perruque car ce ne serait pas moi ; je ne porte jamais de robe, car je suis plutôt jeans ; ma douce mesure 5'5" et moi 5'11", ce qui fait que je n'entre pas dans son soutien-gorges ; et je respecte trop son intimité et nos personnalités sont trop différentes pour que je lui chipe ses bijoux.

N'est-ce pas Émile Zola, qui, en de telles circonstances, avait écrit : « il aurait paru plus intelligent de ne rien dire, mais si nous les laissons faire ils marcheront sur nos corps ».

Russel Bouchard
Lien de Mémoire de la Communauté métisse du Domaine du Roy/Mingan
Métis, Chicoutimi