Les délires d'Akakia

samedi, octobre 25, 2008

Crise forestière au Québec – Où est le PLAN de reconstruction ?

Photo : Le député de Chicoutimi,
Stéphane Bédard.


Une députation régionale totalement inapte

Profitant comme il se doit du rendez-vous manqué des représentants de la Conférence régionale des Élus (CRÉ) à la Commission parlementaire instituée pour amorcer le nouveau régime forestier, Stéphane Bédard, député de Chicoutimi et nouveau leader parlementaire du PQ, fustige le gouvernement Charest dans la « crise » forestière qui, en ce qui me concerne, a défoncé le fond du baril depuis longtemps. À l’orée de cet autre grand cirque électoral qui s’annonce au Québec, je prends le temps de rappeler au député sortant de Chicoutimi qui déchire sa chemise devant les caméras qu’une « crise », par définition, est un moment difficile qui a la particularité tacite de ne durer qu’un temps.

Or, après huit années de « crise » (qui a justement pris ses premières forces sous le régime péquiste de Bernard Landry, conseillé par son ministre Guy Chevrette, de 1994 à 2002, devenu depuis lors le grand représentant de l’industrie forestière au Québec) ; deux régimes politiques plus tard dis-je bien, le Saguenay et le Lac-Saint-Jean ont vu dépérir ou mourir, les unes après les autres sous le regard figé et totalement inapte de notre députation régionale, les usines de bois de sciage, à papier et à panneaux particules. Cela n’étant pas suffisant pour que la « crise » perdure au-delà de ses prés et fasse mal à tous les citoyens, les régions productrices ont également vu les multinationales et le gouvernement provincial continuer leurs rapines dans les dernières forêts primitives de la Boréalie québécoise et elles ont assisté, tout à fait impuissantes, à la perte définitive de 80% d’emplois liés à la forêt.

Huit ans plus tard, il faut bien se rendre à l’évidence, les emplois perdus ne reviendront pas ! À voir passer heure après heure et jour après jour le train de camions chargés d’épinettes noires sur le pont Dubuc, je vois bien que la « crise » n’empêche pas les multinationales du bois de continuer à prélever chez nous, au minimum, 25% des besoins du Québec en matières ligneuses, et à manger ce qui nous reste de capital sur une ressource pourtant vitale. Et cela n’empêche pas les candidats péquistes et libéraux qui s’invectivent comme des poissonniers sur la place du marché, de continuer de parler d’une simple « crise ». Ce qui n’est manifestement plus le cas !



Photo : Le Joker ! Guy Chevrette, ex-ministre sous le PQ devenu le grand conseiller de l'industrie forestière du Québec.



De l’effondrement total de l’industrie forestière

Mais au fait, j’y pense ! S’il n’y a plus d’usines qui roulent et s’il n’y a plus de travailleurs qui gagnent leur vie de la forêt, où va donc tout ce bois qu’on rapine jour et nuit dans notre pays ? Si les travailleurs retraités d’Abitibi-Bowater –ce cadavre d’industrie– craignent pour leurs fonds de pension alors qu’ils l’ont déjà payés, à quels intérêts sert donc notre ressource qu’on coupe à coups redoublés sans jamais nous rendre de compte ? Qui s’enrichit sur le dos de notre appauvrissement collectif ? À ce moment crucial de notre vie régionale où les intérêts et les votes de tous sont sollicités par toutes les factions en lice, ces questions ne méritent-elles pas d’être posées ?

Dans cette huitaine marquée du sceau de l’inaction et de l’incompétence des politiques chargés de défendre nos droits et nos intérêts, ne pas avoir de député à l’Assemblée nationale n’aurait pas pu donner un plus mauvais résultat que celui avec lequel il faut se démerder aujourd’hui. Huit ans plus tard, messieurs-dames les candidats (tes) péquistes et libéraux qui combattez pour le fauteuil de députés de cire au Parlement, vous qui vous chamaillez au nom du peuple et du « vrai pouvoir ». Huit ans plus tard, et votre cynisme aidant, il me faut prendre le temps de vous dire encore que vous ne devriez plus parler, dans les faits et la réalité politique, de… « crise » de l’industrie forestière, mais bien d’un effondrement total et sans merci ! Car, bien qu’il vous déplaise d’en causer ainsi, c’est bien de cela qu’il s’agit aujourd’hui : d’un effondrement !

Dans ces circonstances où l’État québécois, tous partis confondus, n’a su rien faire d’efficace depuis huit ans pour endiguer cette interminable « crise » (sic) qui s’est dégénérée au point où tout est à reconstruire, où il n’y a plus que des ruines dans un des secteurs de l’économie naguère les plus prometteurs de notre histoire. Dans ces circonstances de déchéance industrielle totale où on vous demandait d’agir d’une seule voix dans l’intérêt de tous, qu’avez-vous à nous proposer, d’authentique, de non partisan et de structurant, pour que les régionaux, que vous tenez à représenter à tous prix, sentent qu’ils ont encore un avenir devant eux et qu’ils peuvent encore croire en vous ?


Du PLAN de reconstruction de l’économie régionale

Consentir à de nouvelles privations, je veux bien. Vous confier ma destinée par mon vote que vous allez bientôt quémander, rien de plus facile pour moi. Mais encore vous faudra-t-il m’expliquer votre PLAN. Il vous faudra me convaincre que c’est dans la perspective d’une reconstruction viable, que c’est là l’expression d’un projet de société réfléchi qui suscite l’adhésion de tous, un projet porteur de sens qui porte en soi tous les espoirs de notre destinée à court, à moyen et à long termes.

Comprenez-moi bien MM Bédard, Gaudreault & Consorts, je ne parle pas d’une promesse politique vide de sens, mais bien d’un PLAN songé, discuté et écrit noir sur blanc. Un PLAN que je pourrai questionner sévèrement et qui passe inévitablement par le juste retour en région des redevances sur nos ressources naturelles. Un PLAN dans lequel je pourrai voir que vous avez prévu faire payer à Rio-Tinto Alcan les taxes qu’elle nous doit, depuis 1974, pour les barrages qu’elle exploite dans nos municipalités. Un PLAN où je vais voir la reconstruction d’une industrie forestière qui en laisse dans le milieu autant qu’elle n’en prend. Un plan où je ne me sentirai pas obligée d’oublier qui je suis et de laisser tomber totalement l’environnement au profit d’un développement industriel sauvage et sans avenir. Un PLAN où je verrai que mes économies de toute une vie et mon fonds de retraite sont protégés blindés par l’État. Un PLAN où on me reconnaîtra comme faisant partie, à part entière, de l’un des peuples fondateurs dans le traité de l’Approche commune que vous avez laissé s’écrire pour le seul profit du gouvernement de Québec et des Ilnutsh. Je dis bien un PLAN structuré et structurant qui m’accompagne dans ma vie présente, qui porte en lui l’avenir de mes enfants et petits-enfants, et qui assure la suite de notre histoire sans devoir la trahir…

Russel Bouchard


Note : Russel Bouchard a publié, en 2004, Annales de l’industrie Forestière au Saguenay–Lac-Saint-Jean, comptant 515 pages et 1250 références