Les délires d'Akakia

dimanche, novembre 28, 2010

Chicoutimi finalement jonquiérisée ! « Schéma » d'une mort annoncée...

La rue Racine d'abord

Chicoutimi fera peau neuve, coûte que coûte et peu importe ce qu’en pensent les citoyens ! Qu’on se le dise une fois pour toutes ! Selon ce qui ressort des conclusions de la dernière visite du maire de Saguenay en France, les Chicoutimiens devront donc s’y faire et ravaler dans leurs chaumières. C’est décidé à l’unanimité par la seule voix qui transpire de l’hôtel de ville de la cité la « mieux administrée du Québec » (dixit Jean Tremblay), la rue Racine, qui est la deuxième plus ancienne rue de la région, après le Chemin Sydenham, sera piétonnière et devra rivaliser avec les plus belles villes de France … ou elle ne sera plus !

À chaque fois qu’il traverse l’océan pour puiser des idées en Europe, le maire Jean Tremblay a le goût de tout chambarder et de refaire l’histoire à l’envers. Comme il l’a comprend et comme il l’a conçoit !

Encore chanceux qu’il ne soit pas de retour de Papouasie !...


(Photo ci-dessus, le bas de la rue Racine, en 1916, vue de la côte Bossé)

La rue Racine piétonnière ? L’idée n’est pas neuve, à vrai dire. Si ma mémoire est fidèle, c’était avant les années de la Grande crise, avant que l’auto ne vienne tout tasser, gamins, piétons, cochers, chevaux. En ce temps-là, la rue Racine ce n’était pas rien. Entre deux rangées d’ormes séculaires séparées par une large rue de terre battue, le cœur de la capitale régionale n’en finissait plus de grandir en beauté. Grand Dieu qu'elle était belle ma ville ! La journaliste Catherine Delisle l’a d’ailleurs fort bien relevé dans son commentaire du 28 novembre, publié dans le Progrès-Dimanche : des « administrateurs, sans aucune clairvoyance » « ont choisi d’effacer de grands pans de notre patrimoine et de notre architecture ». Devant la fabrication d’un tel vide, qu’aurons-nous à montrer aux touristes ? Quels profits en tireront les derniers commerces qui en arrachent déjà ? Qu’en retirera le citoyen ? Et Diable ! que fera-t-on des parkings abandonnés qui pivèlent les deux côtés de la Racine comme une vieille carrosserie rouillée ?

La réponse coule de source. Rien ! Le vide appel le vide.

Schéma d'une mort annoncée
Si vous croyez avoir vu le « boute du boute » avec ce dernier projet du maire de Saguenay, détrompez-vous. Chicoutimi n’est pas encore tout à fait morte. Il suffit de prendre le temps de parcourir d’un couvert à l’autre le « Second projet de Schéma d’aménagement révisé », déposé en décembre 2009 (donc après les dernières élections municipales), pour saisir le sort que l’actuel conseil de ville de Saguenay réserve à la défunte ville de Chicoutimi. L’affaire est grosse, tellement grosse, que je me demande s’il n’est pas déjà trop tard pour stopper l’action du poison qu'on a injecté dans le cœur de la cité fondatrice.

Les données les plus primaires qui se trouvent dans ce schéma d’aménagement qui a été débattu à la manière de « Saguenay », démontrent clairement, ce qui était impensable lors de la fusion de 2001 : Chicoutimi, fondée en 1676, est en train de passer sous la tutelle de Jonquière la cadette, fondée en 1847 à partir d’une portion de son territoire. Impossible, dans un si court espace, de tout expliquer. Pour apprécier l'ampleur du désastre qui se prépare en notre hôtel de ville à l'encontre de Chicoutimi, il me suffit d’évoquer quelques chiffres sortis des Recensements du Canada de 1996 et de les comparer avec ceux du fameux « Schéma ». Ces chiffres, placés l'un à côté de l'autre, parlent tout seuls :

En 1996, les municipalités appelées à former le territoire de la future ville de Saguenay comptaient 153,476 habitants. De ce nombre, Chicoutimi comptait 63,061 habitants (41,1% de l'ensemble) contre 56,503 (36,8% de l'ensemble) pour Jonquière. A l’époque, les journaux en faisaient leurs choux gras, Jonquière était en perte de vitesse et avait même vu fondre sa population de 1,430 habitants (-2,5%) en cinq ans alors que Chicoutimi avait vu sa population monter de 391 habitants (+0,6%). Cette érosion du poids démographique de Jonquière augmentait l’écart entre les deux sœurs ennemies de 6,558 habitants en faveur de Chicoutimi.


Chicoutimi, l'arrière-cour de Jonquière



Mais ça c’était avant la grande fusion de 2001, avant que Jean Tremblay ouvre la première séance du conseil de ville de cette malformation politique qu'est devenue Ville-Saguenay, avant qu’il ne commence à rêver grand pour « sa » ville ! En effet, dans le schéma d’aménagement évoqué plus haut (un schéma soit dit en passant qui, idéalement, doit servir de moteur de développement et paver la voie aux aménagements de Ville Saguenay), voilà comment les choses ont évolué. Chicoutimi, la ville-fondatrice, y a perdu Chicoutimi-Nord et le secteur Saint-Jean-Baptiste pour ne plus devenir que... « Chicoutimi-Sud ». Conséquemment, l'ex-métropole ne compte plus que 36,090 de population, soit 25,12% de l’ensemble (au lieu de son 35,74% comme cela devrait être le cas dans la réalité) ; alors que Jonquière, loin d'être affectée, se retrouve, comme par magie, en haut de l’échelle urbaine avec 49,337 habitants, soit 34,34% de la population de Saguenay.

Autres chiffres évocateurs. La superficie de Chicoutimi, dont le périmètre d’urbanisation était initialement, avant la fusion de 2001, de 61,926,080 (M2), s'effondre à 46,139,914 (M2) au dépôt du « schéma ». Et Jonquière, dont le périmètre d'urbanisation respecte curieusement toujours celui de l’avant-fusion, tire magistralement l'échelle sous les pieds de Chicoutimi avec 64,397,762 (M2). Ces derniers chiffres auront une incidence déterminante sur notre avenir à court, moyen et long termes, lors de l'application du « schéma ». En effet, une fois ce « schéma » appliqué, l'ancienne ville de Chicoutimi, rabaissée à l'état de secteur de... « Chicoutimi-Sud », se retrouvera donc avec une superficie de 46,139,397 (M2), contre 59,158,245 (M2) pour Jonquière sur qui pèsera dès lors l'ensemble de notre destinée...


Ces chiffres, à eux seuls, ont de quoi faire frémir les Chicoutimiens qui, éreintés, dépouillés par dix ans d'une fusion forcée, y ont même perdu le nom de leur ville, pour devenir, dans ce bien curieux schéma, les citoyens mal-aimés de... « Chicoutimi-Sud ». Alors que Jonquière, malgré l’effondrement de sa structure économique, fait des gains contre nature qui assurent sa totale domination sur l’ensemble. Et si vous pensez que c’est là l’unique anomalie qui s'y trouve, vous n’avez pas encore vue, dans son entier, le plan de développement du « schéma » qu’on réserve à Jonquière la grande, par rapport à Chicoutimi l'estropiée.

À moyen et à long terme, le résultat sera donc inévitable et des plus conséquents. Il se manifestera par une rapide érosion de la dynamique naturelle de Chicoutimi au profit de la dynamique artificielle et sur-subventionnée de Jonquière qui, dopée aux hormones de croissance rapide, aura ainsi réussi à tricher sur l’histoire et à récupérer l’essentiel des prérogatives économiques, administratives et sociales de Chicoutimi…

Akakia
Chicoutimi




jeudi, novembre 25, 2010

Un Québec en panne de son histoire et dépouillé de ses rêves !


Une histoire qui n’a plus la cote

Selon ce qui ressort des données d’une récente étude sortie de nulle part, il appert, aujourd’hui, que 23% des cégépiens « seulement » (je souligne) suivent des cours d’histoire pendant leurs études collégiales, et que, de ce nombre, « seulement » 8% (je souligne encore) se découvrent un intérêt pour l’histoire du Québec. Proposés ainsi, avec de telles épithètes, ces chiffres, que je n’entends pas contester, induisent cependant plus qu’ils ne révèlent. D’une part, ils portent à conclure, sans se perdre dans les nuances, que les jeunes Québécois sont totalement déconnectés de l’histoire (et plus particulièrement de celle du Québec) et que, s’ils en sont si loin, le coupable est déjà tout cuit d’avance.

«L'enseignement de l'histoire est déficient au collégial et aussi au secondaire » dénonce le président de la Société Saint-Jean-Baptiste, Mario Beaulieu. «La situation actuelle est inquiétante et nécessite une intervention d'urgence du gouvernement», renchérit le président de la fondation Lionel-Groulx, Claude Béland, qui souligne qu'une pétition circule actuellement sur ce sujet. Quand on étale de telles données sans se compromettre dans les considérants, on ne suggère pas de stimuler le débat à cet égard dans l’espoir de corriger une lacune désolante et de remettre l’histoire au programme. On impose plutôt une conclusion par induction et on sollicite l’adhésion de tous à ce constat sans prendre le temps de s’expliquer ! On décrète l’état d’urgence, on secoue l’épouvantail à moineaux et on suggère d’en appeler au Parlement qui est le coupable tout désigné.

Où est le débat ?


Des statistiques qui mériteraient d’être questionnées sévèrement

Aujourd’hui, qui oserait contester ce fait criant, l’histoire n’a plus la cote dans nos écoles. Cela étant, où ce mal endémique prend-il ses premières racines ? À qui la faute ? Au gouvernement décadent de Jean Charest ? Au système d’éducation tout aussi décadent qui a comploté avec les différents gouvernements pour sortir l’histoire de ses programmes ? Aux cégeps auxquels on fait porter l’odieux d’être devenus des halls d’attente ? Ou à la paresse intellectuelle d’une jeunesse qui s’est dangereusement enfermée dans le présent ? Et vu que nous y sommes, dans cette dénonciation qui pointe du doigt uniquement les carences criantes du secondaire et du collégial, où sont les universités ? Après avoir vidé leur programme de ce qui faisait naguère leur force (les sciences humaines), pour se concentrer à la création de la richesse, ces maisons du haut savoir n’ont-elles rien à se reprocher ? Faut-il les soulager de toutes responsabilités parce que les cris qu’on entend sortent justement de ses murs ?

Si vous voulez mon avis, 23% de cégépiens (toutes origines confondues !) qui s’initient aux valeurs de l’histoire tous azimuts, ce n’est quand même pas rien dans un Québec qui se multiculturalise dangereusement ; dans un Québec qui n’a de cesse de s’angliciser et qui, bêtement, laisse toute la place aux derniers arrivants qui apportent avec eux une mémoire qu’un odieux système d’éducation, au nom d’une fausse ouverture d’esprit, a entrepris d’inscrire dans son registre ! À mon point de vue, le problème n’est donc pas tant dans le nombre (relativement faible) des étudiants inscrits dans ce programme que dans la somme et la nature des efforts consentis de part et d’autre. Par voie de conséquence, une réplique viable à la décadence de la pensée historique chez nous ne peut se retrouver que dans la qualité d’une démarche académique authentiquement québécoise, dans la stimulation des esprits par ceux qui sont mandatés pour le faire, et dans la manière de redonner à l’Histoire avec un grand « H » toutes ses lettres de noblesse. Mon premier souci est, de fait, celui de l’excellence ! La qualité et l’authenticité y étant, les premiers intéressés sauront bien y trouver leur compte et les autres devront bien s’ajuster au passage.


C’était le bon temps !

Lorsque j’étais au cégep de Jonquière, en 1969 et 1970, la question ne se posait même pas. Ceux et celles qui voulaient faire un bout de carrière dans cette discipline à la mode, s’engageaient pour trois ans. C’était un passage obligé pour s’inscrire dans un programme de sciences humaines et pour poursuivre dans cette même voie à l’Université, jusqu’à l’obtention de son diplôme de Premier cycle Ès Lettres ou Ès Histoire. Nous avions des cours de politique, de sociologie, de géographie, de philosophie et, évidemment, d’histoire. On y allait ou on n’y allait pas ! Si on y allait, on en sortait enrichi par la grande porte de l’excellence. On arrivait grandi, nourri d’un idéal commun qui entretenait une fierté simple et collective pavant la voie au projet de société qui a meublé l’esprit de la Révolution tranquille et stimulé le débat nationaliste, de part et d’autre. Nous apprenions à revendiquer en même temps que nous apprenions à mesurer nos connaissances et soupeser les idées des autres dans le chaos du débat dont nous respections passablement bien les règles.

C’était le bon temps et on ne le savait pas. Nous n’avions même pas besoin d’y penser. Les choses étaient selon ! Nos aptitudes et nos goûts pour l’histoire et les sciences humaines en général marquaient la voie. Si on y allait, le cégep, par la richesse de son programme, avait de quoi offrir. Il préparait les esprits pour l’université qui avait, pour double mission, de compléter leur formation et de les aider à s’épanouir par ce créneau. Les institutions supérieures d’enseignement avaient alors une préoccupation souveraine : l’éducation, point à la ligne. Elles n’étaient pas à vendre. Elles ne s’étaient pas fondues dans les projets de la haute finance internationale qui a fini par s’emparer des rouages institutionnels, des leviers économiques et de la destinée du Québec.

La démarche des institutions d’enseignement supérieur s’inscrivait dans le souci de libérer l’histoire du Québec des tutelles idéologiques archaïques qui lui bloquaient l’accès à la modernité. Elles formaient les esprits simples qui, à leur tour, meublaient l’esprit de la nation, et elles les invitaient à construire, par leur questionnement et leurs apprentissages, la société de demain.


Un Québec malade de son histoire, de ses institutions et de ses élites

En ce temps-là, les universités québécoises, par la qualité et la richesse de leur programme, stimulaient les besoins et les appétits de l’ensemble du réseau scolaire, de la première année à la fin du collégial. À ce titre, l’université représentait aux yeux de tous un indéniable attrait, l’ultime rendez-vous des intellectuels en devenir. En ce temps-là, la mémoire portait un sens qui allait dans celui de la nation québécoise qui se vantait, à juste titre, d’être d’abord et avant tout Canadienne française et surtout pas multiculturelle. Les arrivants prenaient le temps de dire bonjour avant de s’installer à demeure. Ils prenaient plaisir à noter les us, les coutumes et l’histoire de leurs hôtes. Ils apprenaient bien le français et ils acceptaient de faire l’effort de s’adapter, comme il se doit, à la société d’accueil. Les peuples fondateurs, Canadiens français, Métis et Indiens pour les bien nommer, leur faisaient de la place, et la suite de l’histoire du Québec s’écrivait d’elle-même, en français s’il vous plait, grâce aux efforts et dans le respect de tous.

Au fil des années, les cégeps et les universités ont abandonné leur humanisme et la mission pour laquelle ils ont été créés. Ce que nous vivons et déplorons aujourd’hui à ce titre, c’est le fruit d’une longue et lancinante dérive à laquelle nous nous sommes collectivement soumis. Au lieu d’écrire l’Histoire comme le font tous les peuples en marche, nous la subissons et diminuons de pair tous ses attraits et nous nous abandonnons à l’idée que les autres se font de nous.

De fait, qu’on me permette de dire encore que si les choses ont changé pour le pire dans cette histoire décadente, que si le peuple a perdu l’amour et l’intérêt de son histoire, on le doit aussi, et un peu beaucoup, aux élites Canadiennes françaises les plus en vue, chercheurs et professeurs d’histoire en tête qui, aux premiers lendemains de l’effondrement référendaire de 1995, ont lâché leur propre peuple dans les latrines de son histoire sans se soucier de ce qui allait advenir de lui dans le salmigondis d’un multiculturalisme dénaturant. D’un multiculturalisme version québécoise qu’ils (les élites) se sont appliqué à redéfinir dans les conclusions d’une commission nationale sur les « Accommodements raisonnables » où il a été officiellement reconnu que le simple fait de s’afficher comme membre du peuple fondateur de ce pays en devenir était désormais perçu comme une honte et une infamie. Avec un tel gâchis, faut-il se surprendre aujourd’hui du fait que les trois quarts des cégeps n’aient plus rien à offrir en histoire à leur clientèle et de savoir que la majorité des collégiens « ne possèdent pas les connaissances minimales sur leur propre société » ?

À cet égard, je suis de plus en plus porté à penser que si le Québec a fini par perdre l’intérêt de son histoire, c’est qu’il en a perdu le fil et le goût et qu’il ne s’y retrouve plus. Et s’il ne s’y retrouve plus, c’est qu’on l’a dépouillé de son sens sans tenir compte de la nature profonde de ses rêves et sans le respecter pour ce qu’il est. À l’origine, je m’en souviens, nous étions liés par une langue, une culture, une fierté et un rêve communs dans lesquels tous les Canadiens français se retrouvaient en première ligne. Aujourd’hui, ce lieu commun n’existe plus et l’intérêt pour notre histoire nationale est parti comme les feuilles de nos érables à l’automne prenant. Il s’est perdu dans les petites ambitions des élites, des institutions et des opportunistes qui ont été bien loin de se soucier du fait qu’ils sciaient la branche sur laquelle ils étaient assis et que, eux aussi, auraient un jour à faire face aux rigueurs de l’hiver intellectuel qu’ils préparaient…

Akakia

lundi, novembre 08, 2010

Potash corp, les Saguenéens l’ont échappé belle... pour cette fois ! (dans la foulée du projet Arianne, au lac à Paul)

La carte montre les trois secteurs du Lac à Paul, où se situe la plus grande réserve de phosphore connue au Québec. Source : Ressources Arianne Inc.

Potash corp, les Saguenéens l’ont échappé belle... pour cette fois !

Le 3 novembre dernier, suite à une opposition farouche de la Saskatchewan et de l’opposition qui siège à Ottawa, le premier ministre Stephen Harper décidait de bloquer la tentative de prise de contrôle hostile du géant mondial de l’extraction et de la vente de la potasse, par la compagnie australienne BHP Bilton. Il n’y a pas que les Saskatchewanais qui l’ont échappé belle dans ce différé de 30 jours prévus pour cadenasser cette décision forcée ; les Saguenéens aussi ! Car il faudrait continuer de croire que nous vivons sur une autre planète pour imaginer que la réserve de phosphore du Lac à Paul (un des 3 composants des fertilisants), dont les claims ont été récupérés par la société Ressources Arianne Inc., ne sont pas dans l’œil du tigre asiatique qui a entrepris, par filiales boursières interposées, de s’approprier l’ensemble de cette ressource aussi vitale que stratégique.

Pour ceux qui ne sont pas au courant, rappelons que le gisement de phosphore du Lac à Paul est situé à environ 40 km à l’est de la centrale de Chute-des-Passes et à quelque 160 km de Saint-Ludger-de-Milot. Pour l’heure, le potentiel présumé convoité par Arianne Corp se chiffre à quelque 500 millions de tonnes (données de Bernard Lapointe de Arianne Corp). À 400$ la tonne, comme on l’a déjà vu dans le haut de sa forme, c’est loin d’être le fer de Duplessis qui, à 3 cents la tonne, a pourtant contribué largement au développement du Québec de la Révolution tranquille. Et pour ceux qui ne savent pas quoi faire de ce patrimoine, il suffit de dire que le phosphore est à l’agriculture moderne ce que l’eau est à l’hydro-électricité et le pétrole au Hummer. Sans phosphore (qui compte pour le 1/3 du fertilisant *), l’agriculture, telle qu’on la connaît aujourd’hui, ne tient plus la route. Et j’évite de spéculer, ici, sur le pouvoir qu’elle accorde aux pays belliqueux comme les Etats-Unis et la Russie, car le phosphore sert également de composante essentielle dans les usages militaires.

Après avoir laissé filé notre pouvoir hydro-életrique pour le profit de l’Hydro-Québec et de Rio-Tinto-Alcan qui se fichent de nous et de nos besoins ; après avoir abandonné tous nos titres ancestraux et notre droit régalien sur la forêt pour le profit d’Abitibi-Bowater qui s’en est mise plein les poches en nous laissant les copeaux de bois à brûler en dernière ressource ; après avoir laissé filer notre cuivre, notre or et nos diamants pour le profit des sociétés boursificotteuses ; dans cette lancinante histoire de déprédation de nos ressources naturelles, les Saguenéens et les Jeannois vont-ils laisser filer, pour des profiteurs de peuple, cette ressource stratégique sans poser de questions embarrassantes à ceux qui nous gouvernent et bradent nos ressources ???

Sommes nous simplement fous ? Ou simplement idiots ?...

Pour comprendre à quel point, encore une fois, notre avenir est menacé avec ces projets de prise de contrôle de cette autre ressource naturelle dont nous disposons en abondance, je vous suggère de lire l’opuscule de Luc Folliet, « Nauru, l’île dévastée », publié en format poche (140 pages), aux éditions La Découverte/Poche, Paris, 2009-2010. Je n’en dis pas plus. À vous de faire l’effort. Donnez-vous deux petites heures de lecture, et vous comprendrez comment la civilisation capitaliste a détruit le pays le plus riche au monde. Il s’agit de la petite île de Nauru, une petite République du Pacifique Sud qui, dans les années 1970, avait un niveau de vie, per capita, qui dépassait celui des Émirats Arabes Unis, et de ces voisins enrichis par l’or noir ; dans ces années de grâce, le PIB dépassait 20 000$ US par habitant. Trente ans plus tard, la potasse enfin épuisée, c’est la désolation sur cette île ! Tout y passe ; les habitants fuient, la culture ancestrale a éclaté, et les habitants qui restent attendent la mort en se nourrissant de produits agricoles… venus d’ailleurs, des produits qui ont été engraissés avec leur potasse…

Akakia
À lire absolument, pour ceux et celles qui, à défaut de mourir appauvris par la faute de ses gouvernements, n'entendent pas mourir totalement idiots...

* Dans le fertilisant connu commercialement sous le nom de « 20-20-20, on retrouve, en volume : 1/3 de potasse + 1/3 de phosphore + 1/3 d'azote.

** L'auteur de ces lignes prend le temps de remercier M. Bernard Lapointe, de Arianne Corp., Chicoutimi, qui a gentiment accepté de répondre à ses questions.