Les délires d'Akakia

mardi, février 24, 2009

Une histoire de la navigation sur le Saguenay – discours prononcé à l'occasion du lancement

Lancement du livre
« Une histoire de la navigation sur le Saguenay »
par Russel Bouchard
Présentée à l’hôtel de ville de Chicoutimi

Discours de circonstance
Hôtel de Ville de Chicoutimi
25 février 2009

Un projet d’écriture qui attendait son heure

L’idée de ce livre ne date pas d’hier. Elle sommeillait en moi depuis le début de la rédaction de mon histoire du Saguenay des fourrures, en 1988. N’étant pas en manque de sujets sur l’histoire du Saguenay et n’ayant pas encore réuni suffisamment d’informations pour mener à bien un tel projet d’écriture, il me fallait laisser au temps et à l’effort le soin de m’y conduire un jour. La documentation archivistique et historique finalement réunie au terme de ces vingt ans de cueillette, il ne restait plus qu’à attendre l’événement susceptible d’en justifier la mise en œuvre. Cette heure sonna lors de l’arrivée de la nouvelle vague des grands bateaux de croisières, en 2007. Et elle prit sa place dans mon propre agenda d’écriture lors de l’amorce des travaux de construction d’un super quai d’escale dans les eaux de la baie des Ha! Ha!, fruit de l’initiative du conseil de Ville de Saguenay, qui a vu juste et grand dans ce programme d’infrastructures, et de Promotion Saguenay, une société autonome qui en est devenue le fer de lance.


Cinq constats se dégagent de cette histoire de la rivière

Premier constat :
C’est par le Saguenay que notre histoire a commencé, c’est par le Saguenay qu’elle passe aujourd’hui, et c’est par le Saguenay que notre avenir, à court, moyen et long termes peut être assuré. Ce qui me permet de vous dire d’abord que, quoi qu’il advienne, individuellement et collectivement, nous sommes dépendants de la rivière et de son environnement naturel et humain ; et que, cela étant, nous devons profiter de ce momentum qui nous est offert aujourd’hui pour raviver notre mémoire et nous rapproprier le Saguenay qui coule dans nos veines en devenant les maîtres de notre présent, ce qui implique d’ores et déjà un effort ponctuel pour bien connaître notre histoire qui est aussi la nôtre.

Deuxième constat :
Je constate aussi que l’Alcan n’est pas venue à bout du Saguenay malgré nos abandons et malgré tout l’effort qu’elle y a mis.

Troisième constat :
Je constate encore que le gouvernement du Québec n’a pas réussi à amener la rivière à Montréal même s’il y a mis tous les efforts pour y envoyer notre population, et même si plusieurs penseurs de la faillite néolibérale parlent, d’une voix de plus en plus forte, de fermer les régions ressources au profit de Montréal.

Quatrième constat :
Je constate, comme jamais, que les trois plus grands projets portuaires de notre histoire ont été initiés dans des périodes de crise, par des gens d’ici, des politiques, des hommes d’affaires et des esprits visionnaires. J’entends faire référence ici au projet de la construction du port de Chicoutimi, par Dubuc (1928-1933) ; au port de Grande-Anse, par le député Marcel Dionne en 1982 ; et au quai d’escale, le projet de notre maire actuel, de l’équipe du conseil de ville de Saguenay et de Promotion Saguenay.

Cinquième constat :
Et je constate, enfin, que cette histoire prenante de la navigation sur le Saguenay redonne tout son sens à la toponymie, et plus particulièrement au toponyme de « CHICOUTIMI » qui mériterait de reprendre sa place au cœur de nos existences. Sans la restauration de CHICOUTIMI comme premier lieu commun de notre histoire et comme premier quai de débarquement des premiers explorateurs qui, en 1661, ont inscrit son nom au rôle de la grande histoire du monde. Sans cette remise en l’état de ce point d’ancrage de notre mémoire commune, l’histoire du Saguenay change de visage, perd de sa personnalité, s’atténue au profit de forces qui nous échappent. Elle perd de sa personnalité, dévie de son cours pour une destinée qui n’est pas inscrite dans le courant de la rivière et du fjord, un courant perpétuel qui est intimement lié à celui du Saint-Laurent, de l’Atlantique et de l’Occident.


CHICOUTIMI, c’est le premier nom d’un lieu-dit qui est sorti de la plume des explorateurs. Aucun toponyme n’est plus ancien, entre Tadoussac et le Piekouagami. Il est sorti de la lanterne du temps et de l’encrier de l’Histoire, avant la Grande Anse (baie des Ha ! Ha !), avant les Anses du Manitou (Sainte-Rose-du-Nord), avant la rivière de la Couchée de Castor (Anse-Saint-Jean), avant l’anse au Laquais (le port de Grande-Anse), avant les Terres-Rompues voire avant Shipshaw et Kinougamiou (lac Long). CHICOUTIMI exprime le bout de la piste navigable pour ceux qui sont appelés à faire les premières découvertes. Il marque, sur la première carte géographique dessinée en 1665 grâce aux premiers récits des explorateurs, l’endroit où il faut s’arrêter pour passer au lac Saint-Jean. Et il signifie, le lieu de rencontres par excellence des deux peuples et des deux cultures qui forment aujourd’hui la population indigène du Saguenay–Lac-Saint-Jean.

Cela dit et cela étant, maintenant que l’union politique du territoire est réalisée et assurée, maintenant que l’émotion de la fusion forcée est passée, nous pouvons en profiter pour nous remettre en route. Je suis d’avis qu’il faut faire naître le débat sur l’histoire, que ce débat devrait être intelligent, qu’il devrait faire ressortir la réalité à laquelle nous sommes confrontés, qu’il devrait faire en sorte de stimuler nos sentiments et notre fierté d’être ce que nous sommes. Des gens du Saguenay, le peuple né de la rivière…


Ce sera notre mémoire ou celle des autres que
nous laisserons en héritage à nos enfants


Si nous n’avons plus la volonté d’exprimer ce que nous sommes en tant que collectivité d’accueil, si nous n’avons pas l’intelligence d’établir les balises historiques qui marquent les pas de notre histoire, si nous ne prenons pas nos responsabilités face à notre devoir de mémoire, nous cassons le fil qui nous unit collectivement à notre passé. Nous perdons la prérogative de nous réinventer et nous n’avons plus aucun avenir. Si nous continuons de détruire les points d’ancrage qui nous servent de balises au sein de la marche des peuples (et je parle ici des lieux historiques, du patrimoine architectural et artistique, des noms de lieux anciens) ; si nous n’y voyons pas et si nous continuons de laisser faire comme nous le faisons par paresse et courte vue, si nous perdons notre mémoire, nous condamnons nos enfants et nos petits-enfants à recevoir la mémoire des autres en héritage et à penser comme eux. Ce sera l’ultime tragédie. Nous aurons mérité ce qui nous est imposé. Nous n’aurons plus que le mépris des survivants et des prochains arrivants pour nous tenir de lieu de mémoire.


La population d’abord et la rivière à la population


L’idée première et le grand objectif de cette histoire sont donc de remettre notre mémoire à l’ordre du jour et de redonner la rivière à la population.

Dans cet esprit, je réserve donc ma conclusion à la population locale, notamment celle du quartier de Saint-Alphonse de Bagotville, hôtesse du quai d’escale, là où le premier chapitre d’histoire de la colonisation agricole et forestière a pris racines. Au premier titre, c’est elle, la population de Bagotville, qui mérite d’avoir les premières retombées économiques et culturelles, et c’est à elle qu’il faut penser d’abord quand il est question d’un projet de développement récréo-touristique aussi majeur, un développement qui, par sa puissance, pourrait lui être néfaste. Ma conclusion ne peut donc se traduire autrement que par un souhait de réussite aux concepteurs, aux maîtres d’œuvre et à notre hôtel de ville, un souhait accompagné d’une mise en garde adressée à ceux et celles à qui on a confié la lourde tâche de repenser, en fonction de ce grand projet, le plan d’urbanisme de ce quartier historique qui risque gros.

Quand le programme aura été réalisé dans son entier, on ne pourra pas revenir en arrière. Nous aurons utilisé au mieux cet héritage patrimonial, ou nous l’aurons gaspillé comme cela est trop souvent arrivé. Je profite donc de cette tribune privilégiée pour lancer ce cri du cœur. Si, dans ce projet, les gardiens élus de notre patrimoine ont décidé d’évacuer les intérêts supérieurs à moyen et à long termes de la population locale. Si les développeurs et les urbanistes n’ont pas prévu d’inclure la participation de la population dans la programmation de ce plan magistral. Si la population perd la vue et l’accès immédiat à sa rivière. Si les seuls bénéficiaires sont les architectes, les ingénieurs et les commerçants de béton —ce qu’il convient d’appeler les intérêts à court terme et à courte vue. S’il n’y en a que pour ces derniers, nous aurons, collectivement, échoué et gaspillé ue autre part de notre héritage patrimonial. Nous aurons bêtement copié le scénario de la catastrophe de Mirabel. Nous aurons reproduit l’échec du Parc Forillon à Gaspé. Nous aurons fait la même erreur que le Gouvernement du Québec a faite à la Place Royale de Québec, en tassant les citoyens de ce quartier historique au profit de quelques étrangers privilégiés, au profit de la SAQ et des amis du ministère des Affaires culturelles, sans comprendre qu’il venait de détruire la principale richesse de la Place, soit sa population, sa culture spontanée et sa mémoire vivante..

Souhaitons-nous mutuellement que ce soit notre réussite à tous. Souhaitons-nous encore longue vie…


Russel Bouchard


Photographies :
1- La « Bonne Renommée », tirée de l'oeuvre de Champlain
2- La goélette St. John, quittant le Remous de L'Anse-aux-Foins
3- Goélettes dans le port de la Baie des Ha! Ha!

lundi, février 23, 2009

Le livre de Russel Bouchard, « Une histoire de la navigation sur le Saguenay », enfin disponible


Pour vous procurer le livre par la poste, il vous suffit de commander directement à l'adresse de l'auteure, et de joindre à votre commande un chèque ou un mandat poste de 49$, ce qui comprend le livre et les frais d'expédition.
Écrire à :
Russel-A. Bouchard
33 Saint-François,
Chicoutimi, Qc.
Canada
G7G 2Y5


Daniel Côté (texte)
Jeannot Lévesque (photo de l'auteure)
Texte tiré du Progrès-Dimanche, Chicoutimi, 22 février 2009

Le livre que lancera l'historienne Russel Bouchard le 25 février à 17h, à l'hôtel de ville de Chicoutimi, compte parmi les plus importants de sa longue carrière. Intitulé «Une histoire de la navigation sur le Saguenay», cet ouvrage de 420 pages montre à quel point ce cours d'eau a été - et demeure - le point d'ancrage de l'occupation humaine au sein de notre région.

Au fond, c'est l'histoire de toutes les histoires. Richement illustré, comme en font foi ses 140 photographies et ses nombreuses cartes, ce livre évoque toutes les facettes de la rivière, de la légende amérindienne qui en explique la naissance à la création d'un quai d'escale à La Baie, en passant par la traite des fourrures, l'exploitation des pinières par Sir William Price I, de même que la production de la pulpe et du papier, de l'aluminium et de l'électricité.

Pour qui n'a jamais lu sur l'histoire de la région, c'est l'équivalent d'un cours 101. On voit apparaître des personnages familiers, les Cartier, Champlain, McLeod, Price et Dubuc, sans parler des missionnaires et des navigateurs, ainsi que des colons et des ouvriers qui ont fréquenté le Saguenay au fil des siècles.


«Je compte 37 ans de métier et 30 ans de recherches en carrière, ainsi que deux ans de travail sur ce projet et neuf mois d'écriture, ce qui constitue un record pour moi. J'ai donné le meilleur de moi-même pour que les gens découvrent et s'approprient enfin leur rivière. Il s'agit d'une première au Québec. Même le Saint-Laurent n'a pas eu droit à une histoire aussi complète», a mentionné l'auteure au cours d'une entrevue accordée à Progrès-Dimanche.

Le livre est structuré de telle manière que la grande et la petite histoire sont étroitement maillées. Des anecdotes aident à humaniser le propos, comme ce témoignage du père Pierre Laure qui exerçait son ministère à la chapelle du poste de traite de Chicoutimi, en 1720, lorsqu'on lui a demandé de bénir un mourant à Tadoussac. Tombé dans le Saguenay avec ses deux canoteurs amérindiens, ce vaillant homme a failli mourir à la suite d'«un orage qui s'étoit élevé soudain du nord-oist».

// La version complète du texte est disponible dans votre Progrès-Dimanche

jeudi, février 19, 2009

Commémoration du 13 septembre 1759-2009 —Qui a intérêt à crier victoire ?!


Drapeau blanc !

Les extrémistes purs et durs du mouvement pour l’indépendance du Québec crient victoire ! Non contents d’avoir enrayé une belle occasion de faire un rappel du passé qui aurait pu servir de tremplin à un projet qu’ils ont kidnappé, voilà qu’ils en redemandent comme des enfants gâtés qui savent qu’ils ont tiré dans leurs propres rangs et qui imputent aux autres la conclusion imposée à tous au nom de la sécurité publique.

Faisant ainsi l’éloge d’une certaine radio qui n’a pas été dans le sens de son discours, Patrick Bourgeois, le grand patriote sur qui pèse maintenant le fardeau de sa propre option politique, ne s’est pas privé de donner sur les ondes sa propre méthode pour régler en moins de deux le compte de ceux qui ne pensent pas et ne disent pas comme lui.

Une seule solution, selon lui : « leur péter la gueule » ! Beau Québec libre en perspective ! Faut-il s'inquiéter du fait que les deux principaux porteurs du drapeau de l'indépendance du Québec, Gilles Duceppe et Pauline Marois, ne se soient pas énergiquement distancés de ce dérapage verbal et des menaces de violences qui l'ont accompagné ?

La question qui tue !

Et qu'en est-il de ceux qui n’y sont pas ? J’entends par là et aussi les nationalistes respectables et respectueux de la démocratie (la majorité qui partage cette option légitime quoi !). J’entends bien ceux et celles du bon peuple qui, comme moi, auraient bien aimé qu’on ressorte du placard les grands non-dits et les grands mensonges de notre histoire nationale récupérée à toutes les sauces idéologiques. J’entends encore cette majorité silencieuse qui a laissé les autres parler en son nom et qui aurait bien aimé comprendre comment les Canadiens français ont fini par en arriver là au terme d’un simple affrontement militaire d’une quinzaine de minutes, résultat, faut-il prendre soin de préciser, d’une politique métropolitaine mercantile française mesquine, à courte vue, méprisante et méprisable.

Est-ce que l’Histoire aurait été plus clémente pour nous, Québécois de toutes les allégeances et de toutes les origines ? N’aurait-il pas été intéressant de débattre, entre gens matures et respectueux des idées, sur la réalité qui aurait été nôtre si la France avait vaincu sur l’Angleterre il y a de cela 250 ans cette année ? Comment se sentiraient les Québécois, aujourd’hui, si la France avait réussi à faire du Québec ce qu’elle vient de réussir avec la Guadeloupe française, cette colonie anachronique déguisée en « territoire d’outre-mer » (sic).

Les grands perdants

Aujourd’hui, comprenez que je le déplore avec toute l’énergie dont je suis capable, aujourd’hui c’est la médiocrité qui gagné sur le nombre, et c’est le mouvement pour l’indépendance du Québec qui a perdu de la crédibilité.

Pour dire plus juste, les grands perdants dans ce débat, ce sont ceux qui n'y verront pas plus clair au terme de cet affrontement où le pathétique des uns et la mollesse des autres l’ont vitement remporté sur la noblesse des idées. Pour dire court et bien, les grands perdants ce sont tous les Québécois, indépendantistes comme fédéralistes, Canadiens français comme Canadiens anglais, autochtones comme allochtones, en fait tous ceux et celles qui ont contribué à construire le Québec actuel depuis 1759. Ce sont eux qui se sont faits voler la commémoration d'un événement qui leur revenait de plein droit.

Akakia

dimanche, février 15, 2009

Plaines d'Abraham, 13 septembre 1759-2009 — Quand l'histoire se répète

Ça y est ! Il fallait bien s’y attendre avec les fonctionnaires québécois qui gèrent les consensus comme dans une garderie, la reconstitution de l’historique affrontement du 13 septembre 1759 n’aura pas lieu comme prévu. La rencontre publicisée à grand déploiement n’aura pas lieu, simplement parce que la Commission des champs de bataille nationaux a dit craindre pour la sécurité du public. Amené à justifier cette ultime décision de battre en retraite devant les menaces, le président de la Commission, André Juneau, a fait son mea culpa en disant qu’elle avait « fait une erreur », que le risque de violence était manifestement trop grand devant un tel tollé et qu’elle a « entendu le message » des opposants.

Manifestement, la lâcheté trouve bien ses mots pour se justifier devant l’histoire qui se répète. C’est exactement ce qui est arrivé, le 18 septembre 1759, cinq jours après la prise des Plaines d’Abraham, lorsque 14 des 15 fonctionnaires chargés de mettre la ville de Québec en état de résister à l’assaut de la racaille anglaise, a lâchement ouvert les portes de la cité au nom du bien du peuple. Idem l’année suivante à Montréal, lorsque le 8 septembre 1760, le gouverneur et marquis de Vaudreuil a remis, la queue entre les deux jambes, les clés du continent aux Anglais après avoir refusé à Lévis le droit de se retrancher sur l’Île Sainte-Hélène pour avoir au moins l’honneur d’essuyer le feu des canons de l’ennemi.

Vous voulez que je vous dise ! Même si je trouve que la Commission des champs de bataille nationaux a été bien mal inspirée dans sa manière de présenter un projet de commémoration historique qui aurait pu stimuler la réflexion à propos de ce dur moment de notre histoire ; même si je trouve qu’il était déjà un pari des plus risqués de tourner ce couteau rouillé dans une plaie toujours pullulante ; même si je trouve que M. Juneau nous sert déjà, 250 ans plus tard, une belle reconstitution de ce que fut la reddition de Québec dans ce qu’elle a de plus pitoyable ; et même si je trouve qu’il est tout à fait légitime de marquer sa dissidence face à ce projet qui sert bien l’idéologie anglo-fédéraliste. Malgré tout, il n’empêche, que nous avons perdu là une maudite belle occasion de requestionner ce chapitre tragique de notre histoire. Et il n’empêche que c’est le tout Québec qui porte aujourd’hui le poids de cette capitulation de la Commission qui, par la voix de M. Juneau (qui devrait démissionner d’ailleurs !), nous fait porter, à tous, la honte d’avoir rendu la place si facilement.

En ce qui me concerne, ce n’est pas comme ça que je vois la liberté dans le futur pays du Québec qui, manifestement, n’est pas tout à fait étranger à ses propres malheurs ! Comment un peuple en marche, un peuple qui dit vouloir être libre parmi les peuples libres, peut-il baisser les yeux devant la moindre adversité, et comment peut-il accepter que la menace terroriste détermine ses choix ? En ce qui me concerne, si la Liberté avec un grand « L » a un prix, ce ne peut-être que celui du courage et de l’effort qu’il faut mettre pour surmonter nos peurs afin de l’atteindre un jour après l’avoir méritée à tous égard. Ce ne sera qu’en fonction de ce prix à payer de la Liberté pour tous que j’accepterai de crier à l’unisson, haut et fort et dans le respect de ceux qui ne partagent pas cette vue : Vive le Québec Libre !

Russel Bouchard
15 février 2009

mercredi, février 04, 2009

Québec, 13 septembre 1759 – Quand l’Histoire capitule sous le regard de l’ignorance !


La reconstitution de la bataille des Plaines d’Abraham, ou les quinze minutes d’enfer qui ont changé le sort de l’Amérique française (sic) ! En ce qui me concerne, cette assertion qu’on nous rabâche depuis 1760 sans questionner les faits en connaissance de cause, permet à l’ignorance crasse de tourner les coins ronds et donne toute la latitude possible à la vulgarité d’en remettre dans le crachoir de la stupidité humaine. « C'est effrayant ! » dit le cinéaste vedette Pierre Falardeau qui n’en perd jamais une pour déchirer sa chemise devant les caméras. « Nulle part au monde on n'accepterait une affaire de même. Mais c'est vrai qu'il y a partout sur la terre des rampants et des vendus qui se réjouissent ». « Le maire Labeaume, un insignifiant ! » (dixit Falardeau)

C’est n’importe quoi ! Et tout le monde écrase de peur ! Et personne ne s’avance sur cette scène qu’il s’est montée, pour lui enseigner les contours d’une histoire qu’il a bien mal questionnée. Voilà ce qui arrive quand un cinéaste, pas très délicat sur la forme et en manque d’inspiration, se permet de dire n’importe quoi quand il est question de cet ultime épisode qui a marqué un tournant décisif dans l’histoire de la Guerre de Sept-Ans. Et voilà ce qui arrive quand les historiens du tout Québec capitulent devant l’ignorance crasse ! Tant qu’à y être (sic), brûlons tous les livres qui en causent en toute sérénité et emprisonnons ceux qui persistent et signent pour une raison et pour une autre.

Les Québécois, les Canadiens français en tête, n’ont pas à reculer simplement parce qu’un cinéaste mal embouché qui a son temps d’antenne plus souvent que les autres, promet de leur « pitcher de la marde ! » en pleine face s’ils s’y trouvent. En ce qui me concerne, ce sera justement une bonne occasion pour leur redonner le goût de l’Histoire, pour les extirper de leur léthargie intellectuelle et pour leur rappeler tous les défis auxquels ils sont confrontés depuis ce jour funeste.

Dans cette histoire récupérée à toutes les fins idéologiques, on a tendance à oublier que la ville de Québec était le dernier rempart contre l’envahisseur anglais et qu’elle a capitulé malgré que Louis XV avait ordonné à ses généraux de ne pas se rendre sans combattre, pour mieux dire de se battre « jusqu’à outrance ». On a tendance à oublier que la Nouvelle-France n’a pas tombé le 13 septembre 1759, mais bien cinq jours plus tard, le 18 septembre. Et sans tirer un seul coup de canon contre la racaille anglaise qui, même sans son général tombé au champ d’honneur, n’a eu qu’à entrer dans une ville abandonnée par ses chefs militaires, une ville prostrée et un peuple déshonoré par le manque de courage des fonctionnaires, des concussionnaires et des bourgeois signataires qui, Ramezay en tête, craignaient d’y perdre leurs écus amassés sur le dos de la petite misère canadienne-française.

Cela nous donnera l’occasion de préciser que, sur les 15 membres du conseil de guerre réuni dans la résidence de Ramazay, à Québec, 14 ont souscrit à cet irréparable déshonneur ! Et cela nous donnera justement l’occasion d’auréoler les vrais héros de ces quinze minutes de la plus cruelle des défaites. Je nomme en cela les miliciens canadiens (français), des hommes mal équipés, mal chaussés, mal armés et méprisés par les coquins de la Mère Patrie qui n’ont rien fait pour nous. Je parle de ces jeunes gens qui, commandés par le major général des troupes de la colonie, le Français Jean-Daniel Dumas, ont servi de chair à canons et ont permis aux troupes métropolitaines de quitter le champ de bataille à l’épouvante pour éviter d’être radicalement éliminées à cause de la stupidité et la vénalité de leurs chefs.

S’il y a une chose qui mérite d’être rappelée à la mémoire des Québécois tous azimuts et des Canadiens français, c’est de ce haut fait d’armes de notre courageuse milice qui sera du reste repris au printemps suivant, le 28 avril 1760, à Sainte-Foy, une dernière victoire française avant l’ultime Capitulation du 8 septembre 1760. Signée à Montréal celle-là, par le gouverneur Vaudreuil, un bon Canadien français qui a dit se commettre pour sauver le bon peuple, mais qui ne s’est pas privé d’aller finir ses jours dans sa maison de Paris, rue des Tournelles, pensionné par le roi et laissant le bon peuple tout fin seul avec ses souffrances, ses privations et son humiliation…

Russel Bouchard
Auteure de
« Jean-Daniel Dumas, héros méconnu de la Nouvelle-France »,
Éditions Michel Brûlé, automne 2008.