Sauvegarde du patrimoine au Saguenay–Lac-Saint-Jean – Il faut un plan de conservation blindé !
Quelle ville au Québec et au Canada aurait pu se vanter d'avoir encore la maison de son fondateur ? Si les décideurs et l'élite intellectuelle qui prétendent tout connaître avaient eu un peu de discernement doublé d'un peu de courage, Chicoutimi, aurait pu devenir cette perle rare. Malheureusement, en 1951, ces mêmes administrateurs et cette même élite acceptèrent, au nom d'un sacro saint développement, la démolition de cette maison construite dans les premières heures de la colonisation, en 1842. Dans une indifférence sociale crasse, elle fut ainsi donc remplacée par un vulgaire poste à essence qui n'existe plus aujourd'hui (tout un développement messieurs-dames les développeurs !!!) suivi d'un édifice à logements qui souille un site historique sacré et un paysage magnifique. Quel Gâchis !
On
dirait que nous avons perdu notre conscience et la fierté d’être ce que nous
sommes par l’histoire, par notre culture, et par notre volonté de survivre.
Nous ne respectons plus rien ! Patrimoine bâti quel qu’il soit, patrimoine
immatériel et naturel, bibliothèques publiques qu’on vide des ses vieux livres
pour faire place au virtuel sans avoir étudié le fond de la question, sans en
avoir débattu au préalable. Noms de localités et noms de rues rayés du
dictionnaire toponymique, églises et maisons ancestrales, rien n’est à l’abri.
Tout ce qui contribue à définir notre caractère identitaire est comdamné à
court terme. En raison de l’indifférence de tous, nous sombrons dans une mer
d’insignifiance.
Malgré
ce triste résultat, je reste d’avis que ce qui a survécu de cette hécatombe
patrimoniale régionale mérite qu’on s’y attarde. Je me désole, mais je ne jette
pas encore la serviette. La solution n’est pourtant pas bien compliquée. Elle
relève de la conscience de tous et d’une volonté politique affirmée. Et elle se
résume à un plan de gestion patrimoniale assorti d’un calendrier de
conservation et de règles souveraines qui baliseraient nos choix et dicteraient
la marche à suivre. Au Québec et au Canada, cela se fait déjà dans le cas des
archives publiques, et je ne vois pas pourquoi nous ne pourrions pas nous en
inspirer. C’est la logique du bon sens, l’orchestration d’un sain développement
à définir autour de trois ou quatre questions pourtant bien simples, pour peu
qu’on accepte de se les poser avec le souci de l’engagement :
Que
reste-t-il à conserver ? Qu’est-ce qui mérite d’être conservé ? Qu’est-ce qui
doit être conservé coûte que coûte et qu’est-ce qui peut être sacrifié sur
l’autel du développement ? Quels sont les critères sur lesquels il faut baser
nos choix et quels sont les efforts que nous acceptons de faire pour les
respecter ? Cela vaut pour le patrimoine sous toutes ses formes, pour tout ce
qui relève des prérogatives et responsabilités des ministères concernés, pour
tous les conseils municipaux et pour notre Église diocésaine qui,
manifestement, est débordée par le contexte difficile qu’elle traverse.
Cette
demande pourtant bien simple, je l’ai déposée régulièrement sur la place
publique depuis le début des années 1990. J’ai essayé de soulever le débat à de
multiples reprises, mais je n’ai pas réussi. Vingt-cinq ans déjà, et toujours
rien ! Pas étonnant qu’on se demande encore si on doit conserver ou pas les
malheureux restes de l’église Fatima, abandonnée comme tant d’autres témoins
aux meurtrissures du temps. Dans un cas comme dans l’autre, l’improvisation
mène le bal, le temps supplée au laxisme politique. Tant que les institutions
responsables du patrimoine sous toutes ses formes ne s’arrêteront pas pour
débattre de la question qui aboutira sur un plan de gestion blindé, c’est foutu
! Le massacre va se poursuivre et ce qui reste est condamné à disparaître.
Encore une ou deux générations et ça y sera ! Les derniers murs qui portent
encore les traces de notre passé se seront écroulés. Nous aurons alors mérité de
ceux qui vont nous succéder, à la fois l’oubli et le mépris…
Akakia
Akakia