L'après tuerie chez « Charlie Hebdo » — La Liberté dans le colimateur !
Cette réalité qu’on nous impose de part et d’autre
Il
y aurait beaucoup à dire sur les événements tragiques qui ont déferlé sur la
France en ce début d'année 2015. L’affaire est tellement grosse, tellement
démesurée pour ne pas dire surréaliste, qu’on ne sait plus par quel bout
commencer ! On aura beau mettre en garde le bon peuple contre les dangers
des amalgames et la stigmatisation d’une communauté par rapport à une autre en
raison de sa religion. On aura beau en appeler au calme et à la civilité de
tous, il n'empêche que l'affaire à de quoi émouvoir tous les mécréants et les
apostats qui risquent de se retrouver, un jour ou l'autre, devant un ou deux
illuminés qui leur tirent dans le bide au nom de leur prophète. Le fait est
bien connu, une balle tirée par une Kalashnikov (manipulée ou pas par un fanatique de l'islam) n'a pas de religion et n'a
qu'un but, tuer l'autre à défaut de le soumettre !
Oui,
comme l’a souligné le président Hollande dans son discours qui a suivi la tuerie
de Paris, « nous sommes en guerre contre
la barbarie ». C’est un peu troublant de le dire ainsi, mais c’est une
réalité qu’on nous impose. L’État Islamique, AlQuaïda et leurs fanatiques ne
nous laissent plus le choix. Et
dans ces circonstances, il faut neutraliser l’ennemi partout où il se trouve,
affirmer notre détermination à vaincre et rester solidaires quand il est temps
d’intervenir.
Mais
comment se prémunir contre une telle folie déployée au nom d’Allah ?
Est-il possible d’y arriver sans sombrer dans les travers d’une répression
accrue au nom de la Liberté, un principe que d’aucuns ne se priveraient pas d’écorcher
par les voies démocratiques, pour accroître leurs pouvoirs personnels et leurs
ascendances sur le pays tout entier. « À
situation extrême, mesures extrêmes » dit-on en pareille circonstance. Bien
que je sois d’accord avec la précarité du moment et la nécessité d’agir efficacement
et avec scélérité contre ces débris de l’humanité qui nous tirent dessus avec
des armes d’assaut, je ne suis pas d’accord avec ce sophisme régulièrement
évoqué depuis le début des attentats de Paris. La démocratie qu’on dit vouloir
défendre en haut des tribunes, c’est justement la nuance entre les deux
extrêmes, la mesure dans la démesure. Et dans les circonstances que nous
connaissons présentement, la précipitation ne m’apparaît surtout pas comme une
option souhaitable.
Par
nos lois, nous sommes déjà armés d’un puissant arsenal pour combattre le fléau
du terrorisme chez nous. Je ne dis pas qu’on ne doit pas ajuster certaines
règles aux nouvelles circonstances ; je dis simplement qu’il ne faut pas
sombrer dans l’hystérie de l’après 11 septembre 2001. Car je n’oublie pas que
c’est au nom de la Liberté et de la Démocratie que les Américains et leurs
alliés ont ensuite envahi l’Irak en justifiant leurs actions par des mensonges,
qu’ils ont chauffé l’enfer à Abou Ghraib et à Guantanamo, foulé aux pieds les
Droits de l’Homme et justifié l’emploi de la torture dans des centres de
détentions outrageusement exclus du parapluie constitutionnel.
« Ô Liberté, que de crimes on
commet en ton nom ! »
Le jour de l’attentat, avant que les corps des douze martyrs de Charlie
Hebdo soient vidés de leur sang, le premier ministre Harper n’a pas perdu de
temps pour prendre les Canadiens à témoin et affirmer ses intentions. Il a
mentionné que son gouvernement cherchait déjà « à accorder des pouvoirs additionnels aux agences de sécurité afin qu'elles
puissent cerner les menaces terroristes potentielles et détenir des personnes
si cela est jugé nécessaire ». Voilà de quoi nous inquiéter ! D’autant
plus qu’à ce jour personne n’a pris le temps de relever l’impair !
S'il
y a un autre danger qui nous guette tous autant que nous sommes par les temps
qui courent, c'est que le débat soit déjà récupéré par une intelligentsia à la
langue de bois qui parle bien et qui dit peu, par les politiciens et par les
exégètes qui parlent au nom d'une rectitude politique susceptible d'étouffer le
débat plutôt que de le stimuler dans le bon sens. Si on veut avoir une chance
de régler définitivement le problème du terrorisme qui infecte ce début de
millénaire dans les quatre coins de la planète sans y perdre au change sur les
principes fondamentaux qui justifie ce va-t-en-guerre. Si on veut réellement
trouver une solution pérenne et viable pour tous et éviter de souscrire à
l'opportunisme des politiciens qui salivent déjà de l'occasion qui s’offre à
eux pour durcir les lois à la faveur de cet innommable chaos, il faut rendre le
débat accessible au plus grand nombre. Il faut cesser d'avoir peur de parler
avec les mots qui sont les nôtres, et il faut se donner le courage de dire les
choses comme elles doivent être dites, entendons par là avec le souci de
comprendre ce qui nous échappe, de partager ce que nous croyons comprendre et
de jouer à bon escient notre rôle de citoyens dans le choix des moyens à
prendre.
La
Liberté que nous réclamons au nom de tous, commence par notre capacité de
penser, d'exprimer et de se tromper. S'il y a une crainte qui subsiste, c'est
que le politique profite de la circonstance pour faire des lois dans la
précipitation, des lois inopportunes et mal songées qui grugent encore dans nos
libertés au nom même de la Liberté et de la sécurité publique. Si je dis
craindre cela, c'est que je ne voudrais pas que le Canada se retrouve avec un «
Patriot Act » à l’Américaine, une loi qui, sous prétexte de la nécessité du temps,
piétine depuis lors la Liberté, écorche la Démocratie et méprise les Droits de
l’Homme. Si je dis cela, c’est que j’entends déjà la voix de ceux et celles qui
réclament le retour de la peine de mort… «
pour les cas de terrorisme » (dans un premier temps s’entend !), c’est
que je crains les arrestations arbitraires et la surveillance accrue des
citoyens.
Il faudrait être naïf de croire que les
politiciens n’essaieront pas de tirer profit de la situation pour voter en
catimini des lois répressives et régressives qui nous rapprocheront de la Loi des
Mesures de Guerre votée en 1970 par le gouvernement Trudeau dans le contexte d’une crise
outrageusement amplifiée. Si nous laissons faire et si cela arrive, nous aurons
alors collectivement cédé à la peur, et les tueurs de Charlie Hebdo ne seront
pas partis les mains vides. Nous aurons perdu sur toute la ligne…
Akakia
Akakia
0 Comments:
Publier un commentaire
<< Home