vendredi, février 17, 2006

Un peu de poésie ne tuera personne : S'inspirer n’est pas plagier

«... Faute d’admirer les Grecs et les Romains,
On s’égare en voulant tenir d’autres chemins.
Quelques imitateurs, sot bétail, je l’avoue,
Suivent en vrais moutons le pasteur de Mantoue ;
J’en use d’autre sorte et, me laissant guider,
Souvent à marcher seul j’ose me hasarder.
On me verra toujours pratiquer cet usage ;
Mon imitation n’est point un esclavage :
Je ne prends que l’idée, et les tours, et les lois
Que nos maîtres suivaient eux-mêmes autrefois.
Si d’ailleurs quelque endroit plein chez eux d’excellence
Peut entrer dans mes vers sans nulle violence,
Je l’y transporte, et veux qu’il n’ait rien d’affecté,
Tâchant de rendre mien cet air d’antiquité.
Je vois avec douleur ces routes méprisées ;
Art et guides, tout est dans les Champs-Élysées.
J’ai beau les évoquer, j’ai beau vanter leurs traits,
On me laisse tout seul admirer leurs attraits...
Ils se moquent de moi qui, plein de ma lecture,
Vais partout prêchant l’art de la simple nature.
Ennemi de ma gloire et de mon propre bien,
Malheureux, je m’attache à ce goût ancien. »

La Fontaine, Épître à Huet, 1687.