mercredi, février 22, 2006

L'historien, cette gueuse au service du pouvoir !

Dans la suite de mon commentaire précédent (« Dans le grand tribunal de la Pensée unique, l'Histoire à nouveau au banc des accusés »).

Mettre en prison un historien (David Irving) pour ses paroles et ses écrits négationnistes, équivaut à accepter la présence d'un tribunal de la pensée planétaire, ce dont nous mettait pourtant en garde Orwell dans son « 1984 » (« Le crime de penser n'entraîne pas la mort. Le crime de penser est la mort »). Ce jugement, qui s'en prend à l'idée même de la liberté de croire ou de ne pas croire, est, en ce qui me concerne, une menace pesant sur la liberté d'expression. Témoin en quelque sorte de l'esprit de notre temps, il n'est du reste pas étranger à l'affaire des caricatures de Mahomet et il remet à l'ordre du jour la collusion incestueuse entre l'Histoire, la religion et le pouvoir.

Il est clair que la Shoah, pour ce dont elle témoigne, contribue au renforcement du pouvoir sioniste sur le monde. Sous prétexte de faire en sorte « que plus jamais de telles atrocités se produisent » , la récupération politique de cette mémoire au nom du droit humain confère à Israël et aux Américains le droit moral de faire la guerre à leurs ennemis qu'ils associent à « l'axe du mal » , par opposition à « l'axe du bien » (!) dont ils se prétendent les gardiens bibliques ! Et on voit le résultat partout à travers le monde ; en Palestine, en Afghanistan, en Irak, bref partout où leurs intérêts stratégiques et hégémoniques sont menacés.

L'Histoire ne peut avoir qu'un maître et qu'une cause : la vérité et sa quête ! Cela étant et malgré la pression énorme qui pèse sur eux par le biais des institutions dont ils relèvent et dépendent, les historiens doivent donc trouver le courage et la force de résister aux institutions du pouvoir qui reçoivent leur légitimité de la Justice (celle du plus fort, évidemment !). Malgré ce qui peut leur en coûter, la richesse, la liberté sinon la vie, ils doivent faire l'effort de penser par eux-mêmes. Au risque d'être marginalisés par leurs pairs et de devoir en souffrir dans leur carrière, ils doivent se libérer de la prison des paradigmes faisant d'eux des membres inféodés à des écoles de pensée ; ils doivent renouer avec la témérité d'une libre pensée et cesser d'être les gardiens d'une pensée conformiste au profit d'un quelconque pouvoir politique ; ils doivent prendre leurs distances avec cette façon de voir consensuelle qu'ils ont développée, entre eux et par les institutions, au cours du dernier siècle ; et ils doivent se refaire une solitude en ayant souci de se libérer de la rhétorique des paradigmes qui sert bien toutes les formes de pouvoirs et ceux qui en abusent au nom des vertus de l'humanité. Et ce n'est surtout pas en évitant de prendre position dans cette sorte de contentieux où il est devenu périlleux de se distancer des normes idéologiques, qu'ils vont y arriver.

Bref, l'Histoire, la politique et la religion ont en commun d'offrir un perception du temps des hommes et de réclamer l'adhésion des esprits dans celui d'un autre. Et les historiens ont l'impérieux devoir de prendre leur distance avec ce jeu d'associations qui n'a pour ambition que celle d'asservir si n'est de réduire toute dissidence possible à une totale impuissance.

Russel Bouchard

7 Comments:

Anonymous Anonyme
dit :

Tout ceci n'est pas sans évoquer chez-nous dans ce Québec contemporain le cas d'historiens, d'universitaires de politiciens et de journalistes qui ont misé sur le support de la pensée unique pour mousser leurs carrières et qui se sont voués à la servitude du pouvoir ( du plus fort ou du plus offrant)entraînant souvent leurs institutions dans leurs sillages et en salissant leurs images. ( l'affaire Michaud ( l'Assemblée Nationale ) et plus près de nous la déconstruction de la mémoire canadienne française et métisse par des historiens institutionnalisés bien de chez-nous( UQAC), sans oublier le scandale de l'industrie forestière québécoise qui oppose Richard Desjardins au Consortium de la forêt boréale de l'UQAC et son recteur M. Belley en sont des témoignages saisissants)

11:35 a.m.  
Anonymous Anonyme
dit :

Et il ne faut pas oublier le cas, au Québec, de la confrérie des historiens et des anthropologues qui se sont vendus à la cause améindienne au prix de la vérité. Ici, un pan entier de l'histoire du peuplement du Québec est à réécrire au complet en raison de ce trafic du savoir adapté au besoin d'un programme politique pernicieux.

12:53 p.m.  
Anonymous Anonyme
dit :

En France, ces jours-ci, il est question d'un procès contre un metteur en scène à qui on reproche d'avoir repris la célèbre peinture de la Dernière Scène de Jésus et ses apôtres et de avoir remplacé les acteurs par des personnages féminins, belles comme des déesses, placées dans des poses lubriques. Le simple fait de poursuivre en Justice un artiste pour avoir pensé au-delà des acquis est devenu un crime.

La donne vient de changer et cela s'est opéré sans qu'on s'en apperçoive. La liberté de pensée et de croyance est un droit fondamental, alors que le droit de parole et d'expression en est devenu un d'exception au nom d'un principe qu'on a complètement détraqué pour servir les pouvoirs religieux qui reviennent à la charge : « la liberté des uns s'arrête à la liberté des autres ». Qui sont les uns ? qui sont les autres ?

À méditer.

Russel Bouchard

11:33 a.m.  
Anonymous Anonyme
dit :

Avant de pousser trop loin votre méditation, vous gagneriez à prendre connaissance que le respect des communautés culturels est un droit fondamental inscrit en toutes lettres dans la Constitution de la France. Le gouvernement français n'a pas le choix de faire appliquer la loi au nom de la démocratie pour combattre toute forme de racisme religieux, des uns et des autres.

Bonne méditation.

Jeff Landry

1:14 p.m.  
Anonymous Anonyme
dit :

Oui, je comprends M. Jeff, qu'il y a là ce respect auquel nous avons tous droit. Pour un, je ne vois comment on peut « pousser trop loin [un] méditation » (sic) comme vous dites ; pour deux, ce n'est pas de la médidation mais un questionnement eu égard à l'intolérance qui s'y prend par toutes les manières pour se remettre à l'ordre du jour ; et, pour trois, qui dans ce bas monde, ici, en France et ailleurs, détient la science pouvant permettre de démêler le bien du mal ? ce qui est ou pas acceptable en art ? Car ce tableau réinventé, il n'empêche que c'est de l'art à part entière, une transgression du présent, une projection dans le devenir tel qu'interprété par un individu dans sa solitude.

Pour ce qui est de la liberté d'expression, il nous faut tous reconnaître qu'elle n'aura jamais eu la vie aussi dure, en France et ailleurs, depuis Voltaire. On a détruit la Bastille pierre après pierre, mais on s'applique à la reconstruire dans nos têtes, et je n'aime pas.

Dans cette affaire il y a le créateur qui explore et qui exprime, et il y a l'univers des croyances figées dans le béton qu'il heurte. Même si je suis Chrétien et que je n'aurai jamai cette liberté (ou ce courage) de heurter l'image qu'on m'a donné du Christ, il n'empêche que je reconnais aux autres le droit de le voir et de l'explorer à leur façon. Personnellement, j'ai été remué voire choqué, mais pas insulté ; je tente de comprendre pourquoi cet artiste en est rendu là et pourquoi à l'a-t-il fait à cette époque précise de notre humanité. Je ne vois pas le mal que d'autres y voient. Pourquoi ce seraient ceux qui y voient du mal qui auraient raison et que ce ne serait pas moi ?...

Et puis je vous ramène au thème de ma réflexion qui porte sur le lien intrinsèque —l'absence d'absolue— qui unit politique, histoire et religion dans le pouvoir que des hommes expriment sur d'autres. Avec tous les abus dont j'ai été victime dans ma vie à cause de ma crédulité bien humaine, j'ai appris à faire la part des choses, et j'ai appris à faire la différence entre religion et foi, histoire et réalité, politique et rhétorique...

Akakia

1:48 p.m.  
Anonymous Anonyme
dit :

«Et puis je vous ramène au thème de ma réflexion qui porte sur le lien intrinsèque —l'absence d'absolue— qui unit politique, histoire et religion dans le pouvoir que des hommes expriment sur d'autres.» R.B.

Ce n'est pas au nom de l'art ni de la religion, mais de l'opportunisme, que le pouvoir des hommes s'expriment sur d'autres et fausse le débat.

Jeff Landry

2:22 p.m.  
Anonymous Anonyme
dit :

Nous sommes presque d'accord sur cette conclusion, exception faite d'un point : l'art est un outil du pouvoir et non un pouvoir sui generis (en lui-même, de sa seule manière à lui) ; et la religion est un pouvoir en soi, un pouvoir qui permet à la politique de reluire pour elle-même (exemple la monarchie absolue sous Louis XIV).

Akakia

3:53 p.m.  

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