samedi, mars 07, 2020

Revendications autochtones – Nous vous avions averti !


À la une du journal Le Quotidien du 15 juillet 2000 : Daniel Larouche (historien et chercheur), Charles-Julien Gauvin (journaliste), Charles Côté (sociologue à l'emploi du ministère des Affaires sociales et de la Santé), Mario Tremblay et moi-même. Manque la photo de Richard Harvey qui était des signataires de la « Déclaration du 14 Juillet 2000

Depuis le début de la dernière crise indienne qui a fortement secoué le Canada et le Québec, on a pu voir à quoi pouvait ressembler un pays qui a oublié ce que signifiait le mot PAYS, sa souveraineté, le sens commun, et le principe fondamental que tous les citoyens naissent égaux en droit. Encore avant-hier, hier et ce matin, de très beaux textes de Mario Dumont, de Richard Martineau, Mathieu-Bock-Côté, Gilles Proulx, pour décrier le fiasco épouvantable de la gestion de la dernière crise indienne. Et avec tout ce que le pays et la province ont laissé sur le champ de bataille, honneur compris, c’est loin d’être terminé. Pour le courage, on s’est même rendu jusqu’au déshonneur que nous devons tous aujourd’hui assumer même si nous étions pour la manière ferme.

Fallait pas brouiller l’eau au cas où les Indiens prendraient la mouche ! Les Mohawks ont des AK 47, pas grave, le gouvernement canadien s'en occupe et est en train de monter un projet de loi pour interdire les armes semi-automatiques utilisées pour la chasse et le tir sportif aux « non autochtones » respectueux des lois. La belle affaire ! Comme ça, on est sûr qu'il n'y aura pas de trouble car seuls les Indiens seront armés de carabines pourtant déjà prohibées, et l’ONU sera contente de Trudeau qui attend son retour d’ascenseur...

En juillet 2000, un groupe de six citoyens dont je faisais partie (Charles Côté, Daniel Larouche, Charles-Julien Gauvin, Mario Tremblay, Richard Harvey et moi-même, avions essayé de vous avertir de ce qui s'en venait dans le cadre d'un projet de traité devant être signé entre les gouvernement provincial et fédéral et les Ilnuts. En gros, ce traité reconnaissait des droits discrétionnaires à moins de 3% de la population du territoire du Saguenay–Lac-Saint-Jean–Côte-Nord, reconnaissait également le titre aborigène à ce même segment de la population, un droit qui leur aurait conféré l'entière propriété du territoire légitime et légal et qui aurait relégué en l’état de citoyens de seconde zone, les 97% des citoyens formant sa population.

Quand nous avons essayé d'avertir la population du Québec que ce n'était qu'un début et qu'aucune région du Québec n'en serait épargnée à moyen terme, personne ne nous a écoutés. Montréal, qui se trouvait bien loin du territoire impliqué sur le coup, ne voyait pas la pertinence de notre contestation et préférait se liguer contre nous en jouant la carte truquée d'un faux sentiment de culpabilité envers les peuples autochtones du Canada. Malgré toutes ces contraintes, nous avons guerroyé pendant quatre ans pour faire échouer ce traité. Une commission parlementaire fut alors instituée en 2003 pour tenter d'écraser la contestation populaire. Je me suis rendue au Parlement où j'étais attendue de pied ferme pour être entendue par des députés incultes à tous égards sur la question autochtone et, pire encore, qui ignoraient totalement la différence entre droits collectifs et droits individuels, le tout plaidant en faveur des Ilnutsh sous le principe insane qu'il fallait éviter toute embrouille avec eux et que mieux valait une mauvaise entente que des poursuites devant les Cours de justice du pays.

Nous étions seuls au monde pour parler au non du droit de tous. Nous étions seuls pour tenter d'expliquer à tout ce beau monde que si on ne se reprenait pas en main nous allions y perdre au change à court, moyen et long terme. Et aujourd'hui, maintenant que c'est Montréal qui est affectée, les journalistes s'énervent. Je me souviens qu'à l'époque j’ai dû guerroyer fort contre tous les journaux du pays jusqu'au jour où les Hurons ont commencé à revendiquer la propriété du territoire de la ville de Québec et, depuis quelque temps celui de l'Île d'Orléans. Et puis les Mohawks s'y sont mis pour revendiquer l'Île de Montréal, un territoire qu'ils n'habitent pourtant que depuis leur arrivée dans la réduction du Sault-Saint-Louis, en 1667, donc après l'équipée de Maisonneuve en 1642.

Dans le mémoire que j'ai déposé à l'Assemblée nationale le 12 février 2003, j'avais bien pris soin d'énoncer les principes de base fondamentaux que nous défendions. Je vous en livre donc un extrait dans lequel l'essentiel est énoncé. Bref, si on nous avait écoutés à l'époque, et si les gouvernements, surtout celui de Québec, avaient cessé leurs magouilles destinées à dépouiller le peuple citoyen de ses droits sur son territoire dans l'idée sordide de brader nos ressources naturelles en procédant avec quelques chefs avides de s'en mettre plein les poches. Si nous avions eu une écoute des grands médias qui crient à l'infamie aujourd'hui, nous n'en serions pas rendus là aujourd’hui, avec un pays qui a perdu son sens, perdu la confiance de ses citoyens, perdu son honorabilité, perdu son honneur, perdu sa souveraineté sur son propre territoire et miné ses chances d'avenir. Essayez de recoller tout ça maintenant. Venez nous seriner les droits de la collectivité, la justice pour tous et déblatérer sur le principe de l’égalité des chances pour tous que vous avez foulé aux pieds. Ce qui nous arrive aujourd'hui collectivement, nous vous l'avions annoncé, et le résultat c’est à vous tous, les élus, les ministres et les premiers ministres que nous le devons.

Bon Samedi

Akakia

Extrait du mémoire que j'ai présenté et déposé à l'Assemblée nationale, le 12 février 2003 :

« Dans le contexte de cette même Loi suprême [la Constitution du Canada], je réclame donc, pour moi-même, pour ma descendance et pour les 368,000 laissés-pour-compte des collectivités régionales du Saguenay–Lac-Saint-Jean–Côte-Nord : les mêmes reconnaissances, les mêmes protections, les mêmes privilèges et le même droit au bonheur ; en vertu de l’article 1 qui assure que les droits et libertés « ne peuvent être restreints que par une règle de droit, dans des limites qui soient raisonnables et dont la justification puisse se démontrer dans le cadre d’une société libre et démocratique » ; en vertu de l’article 15 qui établit que « la loi ne fait acception de personne et s’applique également à tous, et [que] tous ont droit à la même protection et au même bénéfice de la loi, indépendamment de toute discrimination 3, notamment des discriminations fondées sur la race, l’origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, le sexe, l’âge ou les déficiences mentales » ; en vertu de l’article 36.(1 a) qui oblige les Parlements et les gouvernements provinciaux et fédéral à « promouvoir l’égalité des chances de tous les Canadiens dans la recherche de leur bien-être » ; et en vertu de l’article 52.(1) stipulant que « la Constitution du Canada est la loi suprême du Canada ; [et qu’]elle rend inopérantes les dispositions incompatibles de toute autre règle de droit ».»

Pour le texte au complet du Mémoire déposé au Parlement en 2003, voici le lien internet :
http://classiques.uqac.ca/…/me…/Commission_parlementaire.pdf