vendredi, mars 18, 2016

L’imposture du suicide au Québec et la loi 64 sur l’enregistrement des armes à feu d’épaule

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Ce graphique est publié avec d'autres données, dans le Mémoire de 27 pages que j'ai rédigé en réponse au projet de Loi 64. Il est actuellement disponible sur le site « Les Classiques des Sciences sociales » (voir le lien, en bas du présent texte)
 Dans un court texte titré « L’enregistrement des armes pour prévenir le suicide » (in Le Devoir, 18 mars 2016), M. Jérôme Gaudreault, Directeur général de l’Association québécoise de prévention du suicide (aqps.info) déclare que « L’ensemble des mesures fédérales adoptées à la suite de la tuerie de Polytechnique, dont l’enregistrement de toutes les armes, a été associé à une baisse phénoménale des suicides par arme à feu. Au Québec, dit-il encore, « nous avons constaté une baisse de 60% de suicides par armes à feu entre 1995 et 2008, et ce, sans indice de substitution avec d’autres moyens. » C’est là tout l’argumentaire déployé par ces professionnels qui utilisent la tribune de la prévention du suicide au Québec pour épaissir l’enveloppe budgétaire qui leur est allouée par l’État, et pour permettre à l’État policier d’étendre sa férule au nom de la protection du public.

Pour répondre à ce sophisme de premier ordre utilisé par tous les groupes pro-registre (entendons le lobby des policiers et policières du Québec, le lobby féministe du Québec et le lobby de la « Prévention du suicide » du Québec) ; pour connaître, dis-je bien, l’état réel du suicide au Québec, il suffit de savoir deux petites choses bien simples et de reprendre les données du directeur Jérôme Gaudreault qui n’a même pas eu la décence de citer ses sources et de bien traduire les chiffres du tableau officiel qu’il a lui-même utilisé, soit le tableau no 1 publié par l’Institut national de Santé Publique du Québec, en page 5 de son « Rapport » sur « La mortalité par suicide au Québec : 1981 à 2010 (mise à jour 2013) ».

Pour un, de 1995 à 2000, le taux de suicides au Québec, au lieu de baisser comme l’annonce, urbi et orbi, M. Gaudreault, a tout simplement continué de monter, passant alors de 20,2 par 100,000 habitants en 1995, à 22,2 par 100,000 habitants en 1999. Et pour deux, il faut savoir qu’à compter de 2001, l’État du Québec, gêné d’exposer l’un des plus hauts taux de suicides au monde, par le biais d’une nouvelle directive inscrite dans la Loi des coroners (cf. « L’Investigation «), a modifié la définition du suicide chez nous en ajoutant, aux « critères objectifs » universellement acceptés (entendons qu’un suicide est quelqu’un qui s’enlève la vie volontairement), des « critères subjectifs ». Par ce subterfuge, l’État a ainsi permis de classer plusieurs suicides dans la colonne des accidents et, le cas échéant, de faire baisser artificiellement la courbe du taux de suicides à une norme plus près de la norme canadienne qui se situait, en 2008, à environ 11,6 par 100,000 habitants.

Si vous voulez savoir comment le Québec a triché et triche encore sur les chiffres pour faire baisser la courbe du taux de suicides, à compter de 2001, avec l’aide des bonzes de l’Association québécoise de la prévention du suicide. Si vous voulez savoir comment l’État du Québec s’emploie à masquer la faillite monumentale de ses politiques en matière de justice, de santé publique, d’économie et de déficit démographique en détournant l’attention du peuple vers le faux problème des armes à feu. Si vous voulez en savoir plus sur cette imposture d’État, je vous suggère de lire le Mémoire que j’ai rédigé en prévision de la Commission parlementaire devant siéger sur le projet de loi 64. Pour ceux et celles qui veulent comprendre et faire l’effort pour y arriver, il suffit donc de vous reporter au site « Les Classiques des sciences sociales » de l’UQAC, et de prendre le temps de lire le document titré « Immatriculation des armes à feu, un projet de loi qui foule au pied la réalité du Québec profond, qui vise la mauvaise cible et qui mine les bases de notre démocratie ».

Russel-Aurore Bouchard
Historienne
Chicoutimi