dimanche, février 07, 2010

Épigramme pour une pierre tombale / De Chicoutimi à Saguenay...

Le site de la Maison-Crevier, rue Racine à Chicoutimi, en 2006 (photo Jeannot Levesque)

Le site de la Maison-Crevier, rue Racine à Chicoutimi, en 2008 (photo Russel Bouchard)

Bonjour Catherine,
J'ai lu sans étonnement, dans Le Progrès-Dimanche d'aujourd'hui 7 février, ton texte sur la mort imminente de la Société historique du Saguenay. C'est là le symptôme de l'effondrement de notre société régionale qui s'est recroquevillée dans les remparts empoisonnés d'une seule et même ville : SAGUENAY. SAGUENAY qui, manifestement, n'a pas été à la hauteur des espérances que nous avons mis en elle. Sans culture, sans histoire, sans mémoire archivistique, sans connaissance de nos racines, nous ne sommes plus que ce que les autres veulent que nous soyons par rapport à eux. Nous ne sommes plus rien ! Nous méritons la mort. Nous sommes déjà dans la liste des peuples oubliés.

Nous avons perdu, une après l'autre, les usines de bois de sciage. Nous avons fermé villes et villages en les fusionnant sous prétexte de la rentabilité administrative. Nos ressources naturelles appartiennent aux étrangers et nous nous félicitons quand ces étrangers acceptent d'engager nos enfants comme gardiens d'enclos (l'été !). Nous apprenons l'anglais et oublions le français. Nous fermons école après école parce qu'on nous dit que nous ne faisons plus d'enfants. Et on s'étonne de voir que nos enfants vont en faire ailleurs, là où il y a des écoles et des services. Quand ce n'est pas à Montréal, c'est dans des pays étrangers, là où il y a l'expression d'une culture.

Nous fermons église après église ; changeons le nom des lieux fondateurs, des quartiers et des rues pour faire disparaître toutes traces de ce que nous avons été. Nous vidons les rayons de nos bibliothèques publiques pour sauver des espace tablettes alors que nos ancêtres et nos parents se sont morfondus sur des terres de roches et dans le poison des usines pour en combler les rayons. Ils se disaient : si nous, nous ne savons pas lire ni écrire, au moins nos enfants sauront. Cet espoir a été trahi. Plus rien ne tient.

J'ai bien essayé de vous sensibiliser à cet affouillement sociétal depuis les deux dernières décades, mais personne ne m'a écouté. J'aurais donc voulu avoir tort sur toute la ligne !

N'ayant pas eu la présence d'esprit et la vaillance de sauver notre mémoire, n'ayant pas eu le courage de conserver notre patrimoine historique, que nous reste-t-il ? Où sont nos points de repères ? Nos enfants et petits-enfants sont condamnés, par notre individualisme crasse, par notre paresse intellectuelle et par notre médiocrité à recevoir en héritage la mémoire des arrivants. Nous ne construisons plus rien. Nous sommes fiers de nos défauts et nous nous accrochons à l'intelligence des autres. Je me surprends presque à envier le combat que mènent pour la vie les Haïtiens. Eux, au moins, malgré toutes leurs souffrances, ils savent qu'ils existent ! Ils ont le goût de vivre !

On reproche à notre ville de n'avoir rien fait pour sauver la Société historique du SAGUENAY. J'en suis ! Et dire que Ville Saguenay a reçu le mandat de se faire et belle et culturelle pour l'année en cours, avec la reconnaissance et l'octroi fédéral de « Saguenay ville culturelle canadienne ». Trente deniers, le prix de notre abandon. Du cynisme de la pire eau ! Culturelle mon cul ! SAGUENAY, une boniche qui se met une robe de carnaval sur les épaules pour tapiner les touristes et les subventions de la déchéance, d'une mer à l'autre.

Je suis en colère ! C'est tout ce qui me raccroche à ma dignité...


Russel

4 Comments:

Blogger Stéphane Boivin
dit :

Ce que vous dites là, je le lis et le ressens comme un soulagement. Je suis conscient qu'il s'agit pour vous de toute autre chose.

Vous dites, à votre façon, ce que je souffre depuis un bon moment sur le Québec, sur ma ville et sur son absence de vision, vers l'arrière ou vers l'avant. Et pourtant mon dégoût ne sait pas se concrétiser en actes. Que faire Russel A? Vous suggérez de nous rendre à l'Hôtel de ville, de jouer la game sur "leur" terrain. Sans doute celà vaudrait mieux que ma paralysie, mais pourtant ne serait-ce pas bien ephémère? Je ne crois pas tellement à "leur terrain".

Votre travail existe et persiste, il est colossal. Il inspire tout mon respect, tout comme votre personne. Il ne faut pas abandonner. Ne me lâchez pas, ne lâchez pas le Saguenay... Pour ma part, je vais tâcher de répondre à l'appel, de mon mieux.

1:15 a.m.  
Anonymous Cavour
dit :

Avec une autoroute modèle de centaines de millions de quoi vous-plaigniez-vous ! Vous pourrez aller davantage magasiner ou acheter un condo à Québec ! Quel investissement magnifique !

Il faut que les bleuets se débarassent de la petite clique affairiste sans envergure qui mène Saguenay.

11:15 p.m.  
Anonymous Anne
dit :

Bonjour Russel,

j'ai trouvé sur le site d'un photographe trifluvien, Mario Groleau, 3 magnifiques photos de la ''maison Lévesque'' ainsi que la plaque descriptive qui expliquait son histoire, sur le mur de ciment longeant la rue Racine. je vous invite à aller sur Google et taper: ''Mario Groleau Chicoutimi''. Ce dernier avait publié plusieurs photos intitulées: ''Chicoutimi, la vieille cité''.
Je ne sais pas ce qu'il penserait de la capitale de la cul..ture 2010 dont les administrateurs ont lâchement assassiné
ce joyau du circuit patrimonial, remplacé par l'affreux pastiche de château pour retraités aisés.

Je vais me dépêcher de prendre des clichés de la maison Bossé qui risque le même sort si les insatiables propriétaires du Manoir Champlain décident, pour la inième fois, d'assouvir leur mégalomanie!...

Bonne journée!

Anne V.

1:27 p.m.  
Blogger Unknown
dit :

Bonjour,

En cherchant des photos de la maison de chambres qui se trouvait derrière la maison Lévesque (et à propos de laquelle il n'existe apparemment aucune archive) dans le but d'enrichir un projet de roman en cours de réécriture, je suis tombé sur cet article de votre blog qui résume ce que je pense de Saguenay : une ville morte. Puisque ma recherche d'informations historiques au sujet de feu le 315-319, rue Jacques-Cartier Est, semble vouée à l'échec, je me contenterai du souvenir d'y avoir habité de 2004 à sa destruction en 2008 afin d'essayer d'en faire une métaphore de ce Chicoutimi que j'ai quitté sans remords et où la misère côtoie la vieillesse dans une même grisaille ennuyée, sans rêves ni avenir.

Cordialement,

Un ancien jeune qui traînait au Café Croissant et au Potin

4:27 p.m.  

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