vendredi, juillet 10, 2020

ULTIMA VERBA

Victor Hugo

Arrêtez de m’envoyer des messengers pour m’inciter à porter un masque, vous m’agacez et heurtez mon intelligence. Je n’en porterai pas, sauf à l’hôpital ou un endroit consacré à la santé publique, car cela m’apparaît tout à fait logique ; ce sont des cas d’absolue nécessité. Je préfère ne plus sortir de la maison, comme c’est le cas depuis quatre mois, plutôt que de participer à cette peur collective qui s’est répandue comme le pire des virus ! De toute façon, quel plaisir y a-t-il maintenant de sortir, quand on voit tout le monde regarder l’autre comme s’il était un tueur en série en train de chercher une proie ?!

Les politiciens et l’armée de moralisateurs qu’ils ont à leurs bottes ont réussi en quatre mois à accomplir ce que dix mille ans d’humanité n’avait pas réussi à accomplir, même avec les pires satrapes de l’histoire ; ils ont réussi à maîtriser totalement la société et à la rendre d’une docilité insupportable.

Vous avez peur du virus ? Vous voulez vous protégez ? Ça apaise vos angoisses de la mort de porter un masque ? Soit ! Avec toute la publicité qu’ils y mettent, je comprends que vous ayez si peur, car la société ne vous apprendra jamais qu’une chose : la soumission. Cela dit et étant, ça me fait tout drôle de vous voir à ce point atterré et ça m’attriste de vous voir si soumis, sans le moindre soubresaut de résistance, la peur au ventre, pendus aux lèvres des docteurs inféodés à la Chine et à l’ONU. Et fichez-moi la paix avec vos propos moralisateurs. J’ai consacré ma vie à ma famille et à servir Dieu, le Roi, l’État et la société. J’ai été bon citoyen, n’ai jamais volé rien à personne, donné plus qu’on m’a donné. J’ai donné tout ce que j’avais à donner, et pour récompense de ma participation à l’enrichissement collectif voilà qu’on tente de me ravir l’esprit même de ce qu’est la liberté.

Pour ceux et celles qui ont encore le mérite de se poser des questions sur la vie, la vie en société, la famille et le bonheur de savoir qu’on a vécu une bonne vie bien remplie et d’avoir rendu son voyage comme on dit ; à vous tous, je vous offre ce dernier poème de Victor Hugo, un résistant qui a aimé et souffert l’exil pour s’être rebellé contre la dictature. Lisez-le jusqu’à la toute fin. Si cela ne vous émeut pas, c’est que vous êtes déjà mort...

Akakia

Ultima verba

... Quand même grandirait l'abjection publique
A ce point d'adorer l'exécrable trompeur ;
Quand même l'Angleterre et même l'Amérique
Diraient à l'exilé : - Va-t'en ! nous avons peur !

Quand même nous serions comme la feuille morte,
Quand, pour plaire à César, on nous renîrait tous ;
Quand le proscrit devrait s'enfuir de porte en porte,
Aux hommes déchiré comme un haillon aux clous ;

Quand le désert, où Dieu contre l'homme proteste,
Bannirait les bannis, chasserait les chassés ;
Quand même, infâme aussi, lâche comme le reste,
Le tombeau jetterait dehors les trépassés ;

Je ne fléchirai pas ! Sans plainte dans la bouche,
Calme, le deuil au coeur, dédaignant le troupeau,
Je vous embrasserai dans mon exil farouche,
Patrie, ô mon autel ! Liberté, mon drapeau !

Mes nobles compagnons, je garde votre culte ;
Bannis, la République est là qui nous unit.
J'attacherai la gloire à tout ce qu'on insulte ;
Je jetterai l'opprobre à tout ce qu'on bénit!

Je serai, sous le sac de cendre qui me couvre,
La voix qui dit : malheur ! la bouche qui dit : non !
Tandis que tes valets te montreront ton Louvre,
Moi, je te montrerai, César, ton cabanon.

Devant les trahisons et les têtes courbées,
Je croiserai les bras, indigné, mais serein.
Sombre fidélité pour les choses tombées,
Sois ma force et ma joie et mon pilier d'airain !

Oui, tant qu'il sera là, qu'on cède ou qu'on persiste,
O France ! France aimée et qu'on pleure toujours,
Je ne reverrai pas ta terre douce et triste,
Tombeau de mes aïeux et nid de mes amours !

Je ne reverrai pas ta rive qui nous tente,
France ! hors le devoir, hélas ! j'oublierai tout.
Parmi les éprouvés je planterai ma tente :
Je resterai proscrit, voulant rester debout.

J'accepte l'âpre exil, n'eût-il ni fin ni terme,
Sans chercher à savoir et sans considérer
Si quelqu'un a plié qu'on aurait cru plus ferme,
Et si plusieurs s'en vont qui devraient demeurer.

Si l'on n'est plus que mille, eh bien, j'en suis ! Si même
Ils ne sont plus que cent, je brave encor Sylla ;
S'il en demeure dix, je serai le dixième ;
Et s'il n'en reste qu'un, je serai celui-là !
Victor Hugo