lundi, mai 20, 2019

Le canon obusier des Patriotes pris à l'ennemi lors de la bataille de Saint-Denis, 22 novembre 1837



Modèle réduit d’un canon obusier Howitzer, semblable à celui amené à Saint-Denis par les troupes du colonel Gore. C’est avec ce genre de pièce que les Anglais réussirent à tuer quatre Patriotes, morts au champ d’honneur. Nommons-les pour que l’histoire ne les oublie pas : Honoré Brouillette, de Saint-Antoine, fut étripé ; Joseph Dudevoir, cultivateur de Saint-Denis, eut une épaule et la tête emportées ; Eusèbe Phaneuf, coupé en deux ; Charles Saint-Germain, frappé en pleine poitrine.


Dans l’histoire des Canadiens français, s’il est un jour qui mérite un rappel et trois bravos ! c’est bien celui-là. Comme c’était le cas depuis l’humiliante capitulation du 8 septembre 1760, il y avait des fusils, des canons et un obusier, mais ils étaient dirigés contre le peuple qui n’en avait pas suffisamment pour répondre au change. La scène est mémorable et mérite d’être rappelée. Nous sommes en fin de soirée du 22 novembre 1837. Les troupes anglaises marchent sur Saint-Denis où se sont regroupés une centaine d’insurgés dirigés par Wolfred Nelson. Pour les disperser, l’administrateur colonial, Sir John Colborn, a confié au colonel Gore, un vétéran décoré de Waterloo, et au lieutenant-colonel Wetherall, la mission de les encercler à Saint-Denis, d’y aller sans ménagement, de se saisir de leurs chefs et de casser dans l’oeuf cette jacquerie paysanne. Les britanniques ont de quoi être confiants. 

Les sachant mal armés et mal équipés, Gore croit courir vers une victoire facile et entend attaquer sans attendre Wetherall qui est parti de Chambly. Il est vrai qu’il est en position de force. En effet, il dispose  de 300 soldats tirés des 24e, 32e et 66e régiments, de cavaliers du Royal et d’un obusier Howitzer de 12 livres. De leur côté, les Patriotes, qui se sont regroupés à Saint-Denis, ne disposent que de 119 vieux fusils dont 57 seulement sont en état de faire feu. À dix heures du matin, Gore ordonne à ses artilleurs d’ouvrir le feu. Les coups font mouche et décapitent quatre des plus vaillants patriotes. 

À défaut d’armes, de munitions suffisantes et de canons pour équilibrer les forces, les insurgés ont de la détermination et un vieux compte à régler avec l’occupant anglais. Encouragés par l’arrivée des renforts, les patriotes redoublent d’ardeur. Ceux qui n’ont pas de fusils récupèrent les pétoires de leurs camarades tombés au combat, se ruent à leur corps défendant sur les habits rouges qui vacillent, reculent et se dérobent finalement en s’enfuyant vers Sorel où ils sont poursuivis par les patriotes qui réussissent à leur enlever leur canon et à faire quelques prisonniers. Le soir venu, chacun compte ses pertes : en plus de l’obusier, des fusils et des munitions abandonnés à l’ennemi dans leur débandade, les Anglais ont perdu environ 60 hommes, dont 30 tués ; les patriotes ont eu 12 tués et 4 blessés, tous Canadiens français. Selon les commentateurs, les chiffres divergent quelque peu mais le résultat final reste le même. Bien qu’ils auront à payer chèrement cette victoire, les Patriotes ont réussi à récupérer leur dignité perdue trois quarts de siècles auparavant. Le gant a été relevé. C’est au moins ça de gagné  !...

Russsel-A. Bouchard

Texte tiré du catalogue d'exposition de Russel-A. Bouchard, in Modélisme, histoire et écriture – Mes Passions, Musée de la Pulperie, Chicoutimi, 2014.

Plus long qu’un mortier mais plus court qu’un canon ordinaire, le canon Howitzer de 12 livres a été mis en service dans le troisième quart du XVIIIe siècle et était coulé avec des tourillons*, de manière à pouvoir l’installer sur un affût de campagne. Il était utilisé à la fois comme pièce de siège et de campagne.