Un Québec en panne de son histoire et dépouillé de ses rêves !
Une histoire qui n’a plus la cote
Selon ce qui ressort des données d’une récente étude sortie de nulle part, il appert, aujourd’hui, que 23% des cégépiens « seulement » (je souligne) suivent des cours d’histoire pendant leurs études collégiales, et que, de ce nombre, « seulement » 8% (je souligne encore) se découvrent un intérêt pour l’histoire du Québec. Proposés ainsi, avec de telles épithètes, ces chiffres, que je n’entends pas contester, induisent cependant plus qu’ils ne révèlent. D’une part, ils portent à conclure, sans se perdre dans les nuances, que les jeunes Québécois sont totalement déconnectés de l’histoire (et plus particulièrement de celle du Québec) et que, s’ils en sont si loin, le coupable est déjà tout cuit d’avance.
«L'enseignement de l'histoire est déficient au collégial et aussi au secondaire » dénonce le président de la Société Saint-Jean-Baptiste, Mario Beaulieu. «La situation actuelle est inquiétante et nécessite une intervention d'urgence du gouvernement», renchérit le président de la fondation Lionel-Groulx, Claude Béland, qui souligne qu'une pétition circule actuellement sur ce sujet. Quand on étale de telles données sans se compromettre dans les considérants, on ne suggère pas de stimuler le débat à cet égard dans l’espoir de corriger une lacune désolante et de remettre l’histoire au programme. On impose plutôt une conclusion par induction et on sollicite l’adhésion de tous à ce constat sans prendre le temps de s’expliquer ! On décrète l’état d’urgence, on secoue l’épouvantail à moineaux et on suggère d’en appeler au Parlement qui est le coupable tout désigné.
Où est le débat ?
Des statistiques qui mériteraient d’être questionnées sévèrement
Aujourd’hui, qui oserait contester ce fait criant, l’histoire n’a plus la cote dans nos écoles. Cela étant, où ce mal endémique prend-il ses premières racines ? À qui la faute ? Au gouvernement décadent de Jean Charest ? Au système d’éducation tout aussi décadent qui a comploté avec les différents gouvernements pour sortir l’histoire de ses programmes ? Aux cégeps auxquels on fait porter l’odieux d’être devenus des halls d’attente ? Ou à la paresse intellectuelle d’une jeunesse qui s’est dangereusement enfermée dans le présent ? Et vu que nous y sommes, dans cette dénonciation qui pointe du doigt uniquement les carences criantes du secondaire et du collégial, où sont les universités ? Après avoir vidé leur programme de ce qui faisait naguère leur force (les sciences humaines), pour se concentrer à la création de la richesse, ces maisons du haut savoir n’ont-elles rien à se reprocher ? Faut-il les soulager de toutes responsabilités parce que les cris qu’on entend sortent justement de ses murs ?
Si vous voulez mon avis, 23% de cégépiens (toutes origines confondues !) qui s’initient aux valeurs de l’histoire tous azimuts, ce n’est quand même pas rien dans un Québec qui se multiculturalise dangereusement ; dans un Québec qui n’a de cesse de s’angliciser et qui, bêtement, laisse toute la place aux derniers arrivants qui apportent avec eux une mémoire qu’un odieux système d’éducation, au nom d’une fausse ouverture d’esprit, a entrepris d’inscrire dans son registre ! À mon point de vue, le problème n’est donc pas tant dans le nombre (relativement faible) des étudiants inscrits dans ce programme que dans la somme et la nature des efforts consentis de part et d’autre. Par voie de conséquence, une réplique viable à la décadence de la pensée historique chez nous ne peut se retrouver que dans la qualité d’une démarche académique authentiquement québécoise, dans la stimulation des esprits par ceux qui sont mandatés pour le faire, et dans la manière de redonner à l’Histoire avec un grand « H » toutes ses lettres de noblesse. Mon premier souci est, de fait, celui de l’excellence ! La qualité et l’authenticité y étant, les premiers intéressés sauront bien y trouver leur compte et les autres devront bien s’ajuster au passage.
C’était le bon temps !
Lorsque j’étais au cégep de Jonquière, en 1969 et 1970, la question ne se posait même pas. Ceux et celles qui voulaient faire un bout de carrière dans cette discipline à la mode, s’engageaient pour trois ans. C’était un passage obligé pour s’inscrire dans un programme de sciences humaines et pour poursuivre dans cette même voie à l’Université, jusqu’à l’obtention de son diplôme de Premier cycle Ès Lettres ou Ès Histoire. Nous avions des cours de politique, de sociologie, de géographie, de philosophie et, évidemment, d’histoire. On y allait ou on n’y allait pas ! Si on y allait, on en sortait enrichi par la grande porte de l’excellence. On arrivait grandi, nourri d’un idéal commun qui entretenait une fierté simple et collective pavant la voie au projet de société qui a meublé l’esprit de la Révolution tranquille et stimulé le débat nationaliste, de part et d’autre. Nous apprenions à revendiquer en même temps que nous apprenions à mesurer nos connaissances et soupeser les idées des autres dans le chaos du débat dont nous respections passablement bien les règles.
C’était le bon temps et on ne le savait pas. Nous n’avions même pas besoin d’y penser. Les choses étaient selon ! Nos aptitudes et nos goûts pour l’histoire et les sciences humaines en général marquaient la voie. Si on y allait, le cégep, par la richesse de son programme, avait de quoi offrir. Il préparait les esprits pour l’université qui avait, pour double mission, de compléter leur formation et de les aider à s’épanouir par ce créneau. Les institutions supérieures d’enseignement avaient alors une préoccupation souveraine : l’éducation, point à la ligne. Elles n’étaient pas à vendre. Elles ne s’étaient pas fondues dans les projets de la haute finance internationale qui a fini par s’emparer des rouages institutionnels, des leviers économiques et de la destinée du Québec.
La démarche des institutions d’enseignement supérieur s’inscrivait dans le souci de libérer l’histoire du Québec des tutelles idéologiques archaïques qui lui bloquaient l’accès à la modernité. Elles formaient les esprits simples qui, à leur tour, meublaient l’esprit de la nation, et elles les invitaient à construire, par leur questionnement et leurs apprentissages, la société de demain.
Un Québec malade de son histoire, de ses institutions et de ses élites
En ce temps-là, les universités québécoises, par la qualité et la richesse de leur programme, stimulaient les besoins et les appétits de l’ensemble du réseau scolaire, de la première année à la fin du collégial. À ce titre, l’université représentait aux yeux de tous un indéniable attrait, l’ultime rendez-vous des intellectuels en devenir. En ce temps-là, la mémoire portait un sens qui allait dans celui de la nation québécoise qui se vantait, à juste titre, d’être d’abord et avant tout Canadienne française et surtout pas multiculturelle. Les arrivants prenaient le temps de dire bonjour avant de s’installer à demeure. Ils prenaient plaisir à noter les us, les coutumes et l’histoire de leurs hôtes. Ils apprenaient bien le français et ils acceptaient de faire l’effort de s’adapter, comme il se doit, à la société d’accueil. Les peuples fondateurs, Canadiens français, Métis et Indiens pour les bien nommer, leur faisaient de la place, et la suite de l’histoire du Québec s’écrivait d’elle-même, en français s’il vous plait, grâce aux efforts et dans le respect de tous.
Au fil des années, les cégeps et les universités ont abandonné leur humanisme et la mission pour laquelle ils ont été créés. Ce que nous vivons et déplorons aujourd’hui à ce titre, c’est le fruit d’une longue et lancinante dérive à laquelle nous nous sommes collectivement soumis. Au lieu d’écrire l’Histoire comme le font tous les peuples en marche, nous la subissons et diminuons de pair tous ses attraits et nous nous abandonnons à l’idée que les autres se font de nous.
De fait, qu’on me permette de dire encore que si les choses ont changé pour le pire dans cette histoire décadente, que si le peuple a perdu l’amour et l’intérêt de son histoire, on le doit aussi, et un peu beaucoup, aux élites Canadiennes françaises les plus en vue, chercheurs et professeurs d’histoire en tête qui, aux premiers lendemains de l’effondrement référendaire de 1995, ont lâché leur propre peuple dans les latrines de son histoire sans se soucier de ce qui allait advenir de lui dans le salmigondis d’un multiculturalisme dénaturant. D’un multiculturalisme version québécoise qu’ils (les élites) se sont appliqué à redéfinir dans les conclusions d’une commission nationale sur les « Accommodements raisonnables » où il a été officiellement reconnu que le simple fait de s’afficher comme membre du peuple fondateur de ce pays en devenir était désormais perçu comme une honte et une infamie. Avec un tel gâchis, faut-il se surprendre aujourd’hui du fait que les trois quarts des cégeps n’aient plus rien à offrir en histoire à leur clientèle et de savoir que la majorité des collégiens « ne possèdent pas les connaissances minimales sur leur propre société » ?
À cet égard, je suis de plus en plus porté à penser que si le Québec a fini par perdre l’intérêt de son histoire, c’est qu’il en a perdu le fil et le goût et qu’il ne s’y retrouve plus. Et s’il ne s’y retrouve plus, c’est qu’on l’a dépouillé de son sens sans tenir compte de la nature profonde de ses rêves et sans le respecter pour ce qu’il est. À l’origine, je m’en souviens, nous étions liés par une langue, une culture, une fierté et un rêve communs dans lesquels tous les Canadiens français se retrouvaient en première ligne. Aujourd’hui, ce lieu commun n’existe plus et l’intérêt pour notre histoire nationale est parti comme les feuilles de nos érables à l’automne prenant. Il s’est perdu dans les petites ambitions des élites, des institutions et des opportunistes qui ont été bien loin de se soucier du fait qu’ils sciaient la branche sur laquelle ils étaient assis et que, eux aussi, auraient un jour à faire face aux rigueurs de l’hiver intellectuel qu’ils préparaient…
Akakia
7 Comments:
dit :
C'est très bien dit.
En ce qui concerne l'université du Québec, j'ai assisté à plusieurs colloques sur les projets d'avenir de l'économiste Marc Urbain Proulx au sujet de nos régions.
Des institutions de recherche subventionnées de nos taxes mais venant d'Ottawa en parti sont implantés en périphérie de l'UQAC.
Dans le colloque annuel dit "objectif 2025" ou quelque chose du genre, toute les discussions dans les comités d'études qui réfèrent à la politique ne sont pas notés ni pris en compte.
En 2008 ou 2009, assistant au comité sur les structures, après avoir pris des noms et des notes pendant toute la période, j'ai demandé la parole 15 minutes avant la fin. J'ai pu discourir sur l'importance du politique dans toute décision de développement. Décrivant que sans le politique, aucun développement majeur n'est possible.
Au bout de 5 minutes, quelqu'un en arrière de la salle s'est levé et a déclaré fermement: "vous allez trop loin". Cette personne semblait en autorité, ce qui a causé un froid chez les représentants du CRE et de d'autres intervenants, dont moi-même.
À cinq minutes de la fin, la lecture du résumé des conversations fait par le secrétaire du comité ne comportait aucune mention de l'importance de l'implication politique dans le développement de nos communautés.
Je n'arrivais pas à croire comment nos institutions sont noyautées dans toutes nos structures, Caisse de dépôt, Hydro-Québec, les programmes d'enseignement, les écoles primaires, secondaires, les collèges et universités, tout y passe. Ce sont tous là des prétendus Québécois qui occupent des postes d'importances et qui travaillent contre les intérêts des Québécois et sans doute très bien payés de nos taxes.
A la plénière, j'étais déjà au microphone prêt à poser ma question. j'ai posé la question suivante: Pourquoi le politique est-il exclus des discussions? Pendant quelques secondes, on aurait pu entendre une mouche voler, on a baragouiner une réponse évasive. Deux autres intervenants sont revenus sur le sujet, M. Alain Gagnon, président du syndicat des employés de RioTintoAlcan, n'a pas mâché ses mots puis un autre monsieur dont j'ai oublié le nom. Une professionnelle de l'enseignement est venu ensuite nous raconter comment il est important de s'occuper de l'éducation et des faiblesses majeures qu'elle a noté dans ce domaine....
Fin de la première partie du commentaire
Je confirme donc que nos institutions scolaires sont noyautés, les cours d'histoire lorsqu'il y en a, sont trafiqués.
Notre pays est toujours en guerre contre nous et il s'acharne à nous intimider et à préparer une riposte qui sera sans doute violente. Un pays ne peut pas aller aussi loin contre ses sujet sans être prêt à réagir contre eux le moment venu.
On assiste à un lavage de cerveau en règle, résultat de la guerre non déclarée que nous livre ''notre pays'' afin de nous faire disparaitre par l'expropriation de nos territoires dans un traité frauduleux négocié par des fédéraux assis des deux côtés de la table de négociation. Notre représentant étant M. Yves Fortier, un des présidents de l'Alcan à l'époque du référendum de 1995. Ce monsieur était impliqué de façon majeur dans les magouilles d'option Canada. Tu connais la suite...
dit :
(Jean-Pierre Plourde (suite et fin)
La technique est de nous placer sous sa tutelle. Sachant que les Amérindiens sont par constitution sous sa tutelle, il nous force à céder nos territoires aux Amérindiens. Résultat, Québec devient un territoire sous tutelle fédérale, le titre de province pour Québec devient une vue de l'esprit au lieu d'une réalité. Nous ne serons plus autorisé à siéger en tant que partenaire de ce pays. Nous perdons notre droit de parole et d'intervention sur notre avenir qui sera décider par Ottawa.
Tous les citoyens du Québec deviennent des Amérindiens sous tutelle par héritage. Les Amérindiens, (Autochtones pour Ottawa) ne savent même pas qu'ils n'ont pas avancé d'un pas.
Ils ont besoin de la majorité de tous les Québécois pour présenter un rapport de force capable de négocier avec le diable.
Par ce faux traité, ce pays va se donner le droit d'intervenir militairement contre tout développement de nos territoires qui ne seront pas d'abord pour ses intérêts à lui...
On va bientôt nous obliger au nomadisme d'un travail à l'autre afin de terminer notre dispersion.
Merci d'être là
Jean-Pierre.
dit :
Bonsoir Russel-Aurore, je publie aussi des articles d'intérêt général dans le site, surtout quand il est ausi remarquable que celui-là. Je suis entièrement d'accord avec tes propos. J'aimerais trouver le temps d'y revenir.
Ismène
http://www.ismenetoussaint.ca/Default.php
http://www.ismenetoussaint.ca/ArticleView.php?article_id=299
dit :
Quand on a le don de toucher la plaie qui ravive le mal voilà ce que ça donne. Bravo Russel A.
Un texte d'une rare intensité et d'un à propos convainquant. Il y a tant à dire sur cette dérive sociétale qui nous afflige et nous affaiblit.
Merci à M. Plourde aussi de nous rappeler comment s’y prennent les mercenaires du développement sauvage pour court-circuiter nos réseaux d’échanges et de réflexions et mettre en place un régime territorial de dépossession qui élimine la masse critique du processus de consultation et de décision voire même de discussion…à moins de démontrer sa conformité au discours patent, celui des intellectuels et des institutionnalisés aseptisés qui se tiennent en marge de l’engagement politique et social et réclament la part de la richesse que les grands prédateurs économiques de la planète leur promettent…à condition qu’ils leur livrent le pays…ses ressources et ses gens.
Richard Harvey
dit :
Salut Richard.
L'hiver est là. C'est une des rares choses qu'on ne peut nous dérober. Il y a comme un souffle de juvénile liberté dans ce coup de sang de Mère Nature.
Merci d'avoir réagi. Je communique à M. Plourde l'expression de tes sentiments face à son commentaire que j'ai publié dans mon blogue.
Aujourd'hui, comme à mon habitude, je suis rivée sur mon écran d'ordinateur. Je fixe les mots pour l'Histoire que ce peuple a cessé d'écrire...
Russel-A.
dit :
On veut nous faire oublier nos racines, voilà la triste réalité Russel et vous nous avez bien expliqué, encore une fois, les causes profondes de cette action concertée dans ce texte fort bien présenté.
Pour ma part, je me souviens avec nostalgie de mes cours d'Histoire du Sagnenay, au primaire, à la défunte école St-Jean-Baptiste,(un autre exemple de démolition d'un témoin de notre petite histoire) au tout début des années '70. Ensuite, au secondaire, le programme réservait une place de choix à l'histoire du Canada, du Québec, l'histoire antique et contemporaire. Dans ce temps pourtant pas si lointain, nous sortions avec un diplôme de sec.V général, dotés d'une bonne culture essentielle sur le plan de l'histoire, de la géographie et du français. Aujourd'hui, un jeune qui obtient son Sec.V par ''la peau des fesses,'' n'est pas capable de rédiger une simple lettre de présentation à un employeur, sans la calquer sur un modèle ou bien la faire composer par maman.
De nos jours, L' Histoire est un concept galvaudé et ne veux plus rien dire. Je pense au Canal Historia, à la télévision. Au début, il y avait des émissions intéressantes comme ''histoire à la une'', ''touvailles et trésors''. Maintenant ce poste n'a d'histoire que le nom et encore!
J'adore vous lire Russel A. Merci de persévérer dans votre vocation.
Anne
dit :
Vous écrivez :
« Il s’est perdu dans les petites ambitions des élites, des institutions et des opportunistes qui ont été bien loin de se soucier du fait qu’ils sciaient la branche sur laquelle ils étaient assis et que, eux aussi, auraient un jour à faire face aux rigueurs de l’hiver intellectuel qu’ils préparaient…»
C'est tout à fait ce que je pense: le confort et l'indifférence continue. La trahison de notre oppportuniste élite politique et intellectuelle est déplorable.
Exemple récent : BAnQ n'en a plus que pour les copies numérisées - pour combien de temps ! - de notre patrimoine écrit volé avec des complicités internes.
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