Le XVIIIe, le château des Muses, pays de mon âme
On me dit homme du XVIIIe et je prends cela comme un honneur. Car ce siècle particulièrement violent, en eut (de l’honneur)au double pour ceux qui n’en ont pas. Le style est un temps : Corneille s’inspirait de Cyrano qui écrivait de fort belles lettres ; La Fontaine aimait Ésope ; Voltaire, qui trouvait Dieu bien muet dans un siècle si religieux et si intolérant, vouait un véritable culte à Corneille ; Chateaubriand, qui n’était pas en reste de style s’inspirait de Voltaire ; et Zola, qualifié d’illettr (sic !) —par ses ennemis !—, puisait une belle part de son inspiration dans ces eaux de cristal d’un autre temps.
« Écrivain », l’épithète m’enivre toujours autant ! Peut-on vivre de ce métier —en « indépendant »—, me demande l’autre jour, dans une fort belle lettre, une jeune fille inscrite au doctorat à l’Université Laval. Angoissée, fragile dans son ton, elle veut savoir en fait si un « historien indépendant », c’est-à-dire sans attache institutionnelle, est capable de vivre de sa plume ? J’en ai la certitude, lui ai-je répondu. Mais tout dépend de ce que tu entends par « vivre », de ce que tu attends de la vie. Car ici comme ailleurs, il y a un prix à payer : et ce prix c’est celui de l’effort de la liberté accouplé à la détermination et au renoncement. Le talent, qu’on a tendance à confondre avec les prédispositions, y est pour bien peu à mon avis. Tout est dans l’état d’esprit : si tu adoptes une attitude défaitiste, tu seras défaite ; si tu courbes le dos et baisses les yeux, tu pousseras courbée et finiras aveugle ; si tu te prépares au combat et l’affrontes âprement, tu seras victorieuse à quelque part. Dessine toi un mouton, aurait dit Saint-Exupéry.
S’inspirer, être à la fois mémoire et témoin de la marche du monde, sans copier, en ajoutant une valeur à la longue caravane de l’humanité. L’écriture, comme le temps, est un lieu ; une solitude. C’est l’aventure de la connaissance ; une expérience éminemment personnelle forgée de chutes, de doutes, de risques, de petites victoires sur l’esprit du temps, de rechutes, de relèves et du sentiment du devoir accompli, celui d’avoir fait quelque chose de sa vie. Il faut comprendre aussi que l’Histoire n’est pas une science exacte, mais bien le fruit d’une démarche, d’une quête, d’une réflexion intime construite à partir d’une réalité commune donnant sur un univers commun en marche. Il faut faire la différence entre la réalité du passé qui est un matériau, et l’esprit qu’on en dégage. En ce sens, l’Histoire est donc plus un art qu’une science, puisqu’elle nous convie à dépasser l’image, à explorer le vaste champ des possibles, à tâcher de rejoindre une réalité par la réflexion et l’inspiration.
Et c’est ce que j’aimerais dire à ceux et celles qui veulent faire courir leur esprit au-delà de l’image : construisez-le avec vos propres matériaux, votre mémoire et votre langage ; inspirez-vous de votre vécu ; découvrez le mirage du monde par vos propres yeux, par vos émotions, votre intuition, votre sensibilité. Libérez-vous de la lourde étreinte des préjugés ! Car l’écriture est une quête, une re-construction de l’esprit ; comme le temps, elle est un lieu qui disparaît sur le tracé de la plume pour renaître dans une mémoire...
Akakia
« Écrivain », l’épithète m’enivre toujours autant ! Peut-on vivre de ce métier —en « indépendant »—, me demande l’autre jour, dans une fort belle lettre, une jeune fille inscrite au doctorat à l’Université Laval. Angoissée, fragile dans son ton, elle veut savoir en fait si un « historien indépendant », c’est-à-dire sans attache institutionnelle, est capable de vivre de sa plume ? J’en ai la certitude, lui ai-je répondu. Mais tout dépend de ce que tu entends par « vivre », de ce que tu attends de la vie. Car ici comme ailleurs, il y a un prix à payer : et ce prix c’est celui de l’effort de la liberté accouplé à la détermination et au renoncement. Le talent, qu’on a tendance à confondre avec les prédispositions, y est pour bien peu à mon avis. Tout est dans l’état d’esprit : si tu adoptes une attitude défaitiste, tu seras défaite ; si tu courbes le dos et baisses les yeux, tu pousseras courbée et finiras aveugle ; si tu te prépares au combat et l’affrontes âprement, tu seras victorieuse à quelque part. Dessine toi un mouton, aurait dit Saint-Exupéry.
S’inspirer, être à la fois mémoire et témoin de la marche du monde, sans copier, en ajoutant une valeur à la longue caravane de l’humanité. L’écriture, comme le temps, est un lieu ; une solitude. C’est l’aventure de la connaissance ; une expérience éminemment personnelle forgée de chutes, de doutes, de risques, de petites victoires sur l’esprit du temps, de rechutes, de relèves et du sentiment du devoir accompli, celui d’avoir fait quelque chose de sa vie. Il faut comprendre aussi que l’Histoire n’est pas une science exacte, mais bien le fruit d’une démarche, d’une quête, d’une réflexion intime construite à partir d’une réalité commune donnant sur un univers commun en marche. Il faut faire la différence entre la réalité du passé qui est un matériau, et l’esprit qu’on en dégage. En ce sens, l’Histoire est donc plus un art qu’une science, puisqu’elle nous convie à dépasser l’image, à explorer le vaste champ des possibles, à tâcher de rejoindre une réalité par la réflexion et l’inspiration.
Et c’est ce que j’aimerais dire à ceux et celles qui veulent faire courir leur esprit au-delà de l’image : construisez-le avec vos propres matériaux, votre mémoire et votre langage ; inspirez-vous de votre vécu ; découvrez le mirage du monde par vos propres yeux, par vos émotions, votre intuition, votre sensibilité. Libérez-vous de la lourde étreinte des préjugés ! Car l’écriture est une quête, une re-construction de l’esprit ; comme le temps, elle est un lieu qui disparaît sur le tracé de la plume pour renaître dans une mémoire...
Akakia
4 Comments:
dit :
Wow! Quel merveilleux texte, plein de sagesse et de poésie. Merci pour ce beau cadeau ce matin. Ça démarre bien ma journée.
dit :
Merci de votre gentillesse. Je fais de mon mieux pour ajouter mes humanités à celles des autres. J'aurai autre chose d'ici peu. Surveillez mon blogue, c'est là mon bonheur à le faire...
Akakia
dit :
M. Bouchard vous écrivez
(...) Tout est dans l’état d’esprit : si tu adoptes une attitude défaitiste, tu seras défaite ; si tu courbes le dos et baisses les yeux, tu pousseras courbée et finiras aveugle ; si tu te prépares au combat et l’affrontes âprement, tu seras victorieuse à quelque part
Voici mes commentaires :
C'est là, le comportement, il me semble, des peuples vaincus et inféodés.
Enseigne-t-on ces choses élémentaires, particulièrement la fierté d'être ce que nous sommes, dans les familles et dans les écoles aujourd'hui? J'en doute.
Serions-nous en train de préfabriquer des androïdes au service des Grands Marchands???????
dit :
Ce que j'entends de la liberté, c'est une prise de conscience de ce qu'on est, une prise en charge de sa réalité individuelle au sein du groupe dont on participe. Comment exprimer cette unicité sans se rebeller à quelque part contre la vision du groupe qui passe par celle d'un seul qui est mandaté pour parler en son nom ? Créer, c'est faire autre chose que ce qui existe. Ou plutôt, créer, c'est procréer, c'est-à-dire faire quelque chose d'unique à partir de ce que l'on a comme bangage et ce que l'on projète.
Pour les androïdes, oui, je le crois, c'est du moins ce que le système actuel cherche à faire : uniformiser, en créant des mirages, comme celui de la consommation et de l'esthétique ; tuer l'individu par le biais de ses pesoins primaires. Mais cette tentative existe de tout temps ; la majorité s'y conforme, mais il y en a une partie qui s'y refuse par les arts, dont l'écriture. Du reste, la présente discussion est une création, une prise en charge de notre liberté.
Russel Bouchard
Russel
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