La dernière mission de Bougainville en France, ou l'art de s'envoyer paître à la française...
En 1758, après avoir réussi à tenir le coup, avec une armée de banqueroutiers, contre l'irrépressible armada britannique qui s'était mise à l'envahir par le Saint-Laurent, le lac Champlain et le lac Ontario, la Nouvelle-France agonise, abandonnée qu'elle est de sa Métropole. Voyant venir la fin, le haut commandement militaire français, Montcalm et Vaudreuil en tête, convint de dépêcher à Versailles son homme de confiance, Bougainville, à qui fut confiée la difficile tâche de convaincre le roi (entendons le ministre de la Marine, Berryer) d'envoyer des secours le plus rapidement possible. Au terme d'un voyage éprouvant qui s'étira sur 52 jours et au cours duquel il survécut à son propre naufrage, Bougainville fut reçu par le ministre à qui il tenta de faire comprendre que le Canada, clé de voûte des colonies françaises en Amérique du Nord, ne pourrait pas tenir encore longtemps si la France n'y mandait pas de suite les renforts réclamés.
Peine perdue ! Le ministre Berryer, plus économe que stratège mais fin parleur, en digne courtisan de la Pompadour à qui il devait du reste son influence à la Cour de Louis XV, ne s'inquiétait pas pour si peu. Si les colonies et la Marine étaient ruinées, fit-il comprendre à cet émissaire, tant pis pour elle, « on ne cherche point à sauver les écuries quand le feu est à la maison » ! Ce qui lui valut la célèbre réponse que l'on prête à Bougainville et que nous, Canadiens français, aurions tous voulu prononcer à cette heure grave où le génie est roi : « On ne dira pas, Monsieur, que vous parlez cheval » ! De fait, si le ministre ne parlait pas cheval (parler incorrectement), on ne peut pas dire qu'il n'avait pas donné une... réponse de cheval (réponse sèche et peu aimable) à son interlocuteur qui n'avait pas mérité un tel mépris de la part de celui sur qui pesaient autant de destinées.
Le sort du Canada, ces quelques « arpents de neige » perdus dans « l'océan glacial », venait de se jouer sur ces antiphrases devenues célèbres et qui n'étaient pas sans expliquer celles qu'avait tenu à la même époque Voltaire à notre encontre. Dans ces heures ridicules, qui présageaient les heures funestes de la Nouvelle-France, cet échange d'aménités aura au moins su nous accorder ce qui nous vaut, encore aujourd'hui, d'être rattaché à la France par la langue et par l'esprit des Lumières qui, plaît-il de le reconnaître ici, ne brillaient pas par la modestie. Si Voltaire et la France pouvaient être heureux sans Québec, le ministre venait de s'en faire le plus bête des échos. Québec, l'écurie royale, tomba le 13 septembre 1759, et Montréal, qui n'en valait guère plus, capitula le 8 septembre de l'année suivante ; ce qui fit que la France perdit à la fois l'Amérique et les honneurs de la guerre dans le traité qu'elle signa à Paris le 10 février 1763. Quant aux canassons Canadiens, qui avaient accompagné avec courage et privations cette catin de roi qui ne valait plus un louis, l'Histoire, la grande, celle qui s'écrit avec un grand «H», n'a pas encore réussi à dire qui, du maître Français ou du maître Britannique, elle aura eu le plus à souffrir sur son dos et dans ses écuries !...
Akakia
Peine perdue ! Le ministre Berryer, plus économe que stratège mais fin parleur, en digne courtisan de la Pompadour à qui il devait du reste son influence à la Cour de Louis XV, ne s'inquiétait pas pour si peu. Si les colonies et la Marine étaient ruinées, fit-il comprendre à cet émissaire, tant pis pour elle, « on ne cherche point à sauver les écuries quand le feu est à la maison » ! Ce qui lui valut la célèbre réponse que l'on prête à Bougainville et que nous, Canadiens français, aurions tous voulu prononcer à cette heure grave où le génie est roi : « On ne dira pas, Monsieur, que vous parlez cheval » ! De fait, si le ministre ne parlait pas cheval (parler incorrectement), on ne peut pas dire qu'il n'avait pas donné une... réponse de cheval (réponse sèche et peu aimable) à son interlocuteur qui n'avait pas mérité un tel mépris de la part de celui sur qui pesaient autant de destinées.
Le sort du Canada, ces quelques « arpents de neige » perdus dans « l'océan glacial », venait de se jouer sur ces antiphrases devenues célèbres et qui n'étaient pas sans expliquer celles qu'avait tenu à la même époque Voltaire à notre encontre. Dans ces heures ridicules, qui présageaient les heures funestes de la Nouvelle-France, cet échange d'aménités aura au moins su nous accorder ce qui nous vaut, encore aujourd'hui, d'être rattaché à la France par la langue et par l'esprit des Lumières qui, plaît-il de le reconnaître ici, ne brillaient pas par la modestie. Si Voltaire et la France pouvaient être heureux sans Québec, le ministre venait de s'en faire le plus bête des échos. Québec, l'écurie royale, tomba le 13 septembre 1759, et Montréal, qui n'en valait guère plus, capitula le 8 septembre de l'année suivante ; ce qui fit que la France perdit à la fois l'Amérique et les honneurs de la guerre dans le traité qu'elle signa à Paris le 10 février 1763. Quant aux canassons Canadiens, qui avaient accompagné avec courage et privations cette catin de roi qui ne valait plus un louis, l'Histoire, la grande, celle qui s'écrit avec un grand «H», n'a pas encore réussi à dire qui, du maître Français ou du maître Britannique, elle aura eu le plus à souffrir sur son dos et dans ses écuries !...
Akakia
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