La rue Mellon, Arvida, début des années 1950, à l'époque l'une des plus belles du Saguenay. |
La mémoire assassinée !
En début de semaine, dans une chronique choc, Isabel Brochu s’est
attaquée à la mémoire d’Arvida en soulevant l’idée qu’il faudrait rayer du
répertoire toponymique saguenéen le nom du Boulevard Mellon, nommé ainsi en
l’honneur Andrew William Mellon. Pour justifier sa position, elle ressort des
boules à mites un vieux texte de Burton Ledoux (un activiste d’obédience
communiste et anti-trust) qui, au tournant des années 1950, en avait eu gros
sur le coeur contre les méchants capitalistes américains. Raisons évoquées,
Mellon était banquier et pas des plus généreux ! Il a eu une influence néfaste
dans la Crise de 1929, était proche des Nazis (même s’il est mort en 1937 !) et fut accusé par le
gouvernement américain en vertu de la loi anti-monopole dans le dossier de la
fusion Alcoa-Alcan. Pour le rendre encore plus hideux, Ledoux lui a même
attribué la soixantaine de cadavres soi-disant ensevelis dans le béton du
barrage de Shipshaw lors de sa construction. Un triste héritage de cette dure
époque il est vrai ! Pour les nuances et les considérants, on repassera.
En ce qui me concerne, le bonhomme ne m’inspire aucune sympathie.
J’ai lu sur lui, et je pourrais en rajouter quelques-unes pour le rendre encore
plus hideux. Quand on le regarde avec les yeux d’aujourd’hui, on est
effectivement en droit de s’interroger sur l’accueil par trop généreux que nous
lui avons fait jadis, et sur la place enviable qu’il tient dans notre mémoire
collective. À ce compte-là, il faudra donc débaptiser la rue Voltaire, à
Chicoutimi, parce que ce héros des Lumières a déjà eu des parts dans le trafic
des esclaves aux Antilles et qu’il s’est royalement payé la tronche des
Québécois quand tout allait si mal pour eux. Dans ce contexte, il faut
également débaptiser le pont Dubuc puisqu’il a déjà engagé des enfants de douze
ans dans ses chantiers. Et vu que nous y sommes, profitons-en donc pour changer
au passage le nom de la rue Peter-McLeod puisque je lui reproche, dans mes
écrits, d’avoir maintenu le Saguenay sous un joug de terreur.
Donnez-moi n’importe qui, et je vous trouve dix raisons pour
justifier son renvoi. La question n’est pas nouvelle. Il suffit de rappeler
simplement la polémique soulevée l’année dernière, tant à Montréal qu’aux
États-Unis, dans l’épisode des plaques historiques, des statues de généraux
confédérés et de tous ces autres qui sont devenus subitement des déchets de
l’humanité. Même la statue de Christophe Colomb n’y a pas échappé ! L’horreur,
je vous dis ! Le Génois a découvert l’Amérique et, ce faisant, il a changé
l’histoire du monde ! Un crime contre l’humanité !
Que faut-il penser de tout ça ? Pas grand-chose de bien, en fait !
Dans le langage de l’histoire, on appelle ça du révisionnisme voire même du
négationnisme. Le fond du problème est idéologique et les ressorts qui
l’agissent sont politiques. Sans qu’il n’y paraisse, rue après rue, maison
ancienne après maison ancienne, monument après monument, on est en train
d’exterminer la mémoire. C’est justement ce que George Orwell a tenté d’illustrer
dans son fameux « 1984 » ; c’est ce
que Mao a essayé de faire en 1949 avec sa révolution culturelle ; et c’est ce
que nous sommes en train de faire avec ce navrant mouvement de l’oubli qui
prend de l’ampleur dans le contexte du projet onusien du gouvernement mondial.
Les monuments, les plaques historiques et les noms de rues sont
habituellement érigés en temps de paix et d’abondance pour honorer la mémoire
de ceux et celles qui ont joué un rôle certain dans l’édification de notre
société. En cela, ils marquent un temps d’arrêt et témoignent des époques
auxquelles ils sont associés. Ils nous permettent de mesurer le chemin parcouru
et servent de point de repère pour assurer la suite des choses. Vouloir effacer
de notre mémoire tous ces noms qui nous dérangent aujourd’hui, pour une raison
et pour une autre, n’augure rien de bon. Anneau après anneau, on est en train
de briser la chaîne qui nous relie, par la mémoire, à notre passé. Morceau par
morceau, c’est donc tout ce qui nous a construits, tout ce qui a fait de nous
une société solidaire, déterminée et libre, qu’on est en train d’effacer.
L’erreur que nous commettons est mortelle. Peu à peu, nous nous désolidarisons
et nous nous effaçons dans l’insignifiance et dans l’oubli.
Est-il trop tard pour corriger cette trajectoire funeste ? À vous
de me dire…
Akakia
Oui Russel A, nous en sommes là! La déprogrammation systématique de la mémoire, à laquelle nous assistons depuis quelques décennies et qui s'accentue ces derniers temps, amène certaines personnes à poser des gestes ou proposer des avenues malencontreusement plus odieux encore que l'objet même qui les motive...C'est la fin de l'histoire comme tu le dis si bien et si souvent, la disparition des traces, de l'écriture, des repères qui nous permettent effectivement de comprendre ce que nous sommes et pourquoi nous sommes cela! Le néant, nous guette! Je suis consterné de constater jour après jours le peu de profondeur du regard des gens...
RépondreEffacerAbsolument Richard. Tout est programmé à partir de l’ONU. Et c’est de voir la faiblesse des médias, des élites et de ses historiens. Ils ne s’arretent Qu’au cas par cas, évitent de voir l‘ensemble. Une régression de la médire.
RépondreEffacerRussel-A.
J’ai écrit... mémoire
RépondreEffacerRussel-A.
Ces révisionnistes déprogrammeurs qui veulent effacer l'histoire, ne la remplace même pas par la leur. On ne réécrit pas l'Histoire car c'est la fausser et mentir. Alors il faut mieux se taire si on n'est pas capable de la connaître et laisser ceux qui la connaissent de la raconter. Au mieux, qu'on le demande à nos historien au lieu de se prendre pour des historiens sans aucune compétence reconnue.
RépondreEffacerMerci Mme Bouchard d'avoir exhaussé mon souhait que vous nous éclairiez sur la question. Vous couvrez même jusqu'à la leçon de la bêtise qui est en cause dans ce cas ci.