Le Québec à l’heure des comptes / Le dernier des Canadiens français (2e partie de 2)
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GRAPHIQUE II
Encore là, les faits parlent d’eux-mêmes. À lui seul, ce
graphique donne la mesure du problème sociétal auquel nous sommes
collectivement confrontés. De la fin de la Révolution tranquille, en 1966, à la
Crise économique, de 2008, retenons simplement que le poids démographique du
Québec par rapport au Canada est ainsi donc passé de 29% à 23,7% (et à 23% en 2015) ; celui
de l’emploi, de 28% à 23,5% ; du revenu personnel, de 26% à 21,6% ;
et du produit intérieur brut de 26% à 19,6% (tout ça, de façon continue et
parallèle). Dans cet univers des tendances, tout se tient. Cette chute
ininterrompue, qui donne une lecture effrayante de l’état réel du Québec,
trouve une étrange correspondance avec la montée simultanée et concomitante du
taux de suicides, des interruptions volontaires de grossesses, de la
stérilisation des hommes et des femmes, et de l’immigration. Face à une telle
perspective, force nous est de constater qu’aucun discours de gauche ou de
droite n’a suscité la moindre action politique significative pour mettre fin à
cette infection qui n’a de cesse de s’étendre comme une nécrose. Chacun des
partis accuse l’autre, aucun n’est coupable ! En fait, ce graphique est le
résultat pathétique des actions (ou plutôt de « l’inaction » coupable)
de tous les Parlements qui se sont succédé depuis la fin de la Révolution
tranquille. Un résultat déplorable qui ne peut relever d’aucune autre instance
que de l’État lui-même. Et pendant qu’on fait semblant de scruter l’horizon
dans le Salon bleu de la Race, pendant qu’on s’invective de part et d’autre de
la Chambre comme des poissonniers, pendant qu’on détourne le regard du bon
peuple vers des projets de loi vertueux, la saignée se poursuit de plus belle…
Le dernier des Canadiens français
« Un mal
presque incurable »
Pris individuellement, un avortement concerne la mère et
les personnes directement impliquées. Pris sur la base du nombre, cela devient
un choix de société qu’il faut considérer sur un plan systémique dans lequel
interagissent les lois naturelles, le dérèglement de la morale, la justice et
la politique. Quand les interruptions volontaires de grossesse (IVG) prennent
l’allure d’une épidémie qui se répand à la vitesse grand V, comme c’est le cas
du Québec depuis 1971, la réplique de Dame Nature entre alors en action et
renvoie la société, qui en est directement affectée, à la question bien simple
de sa propre survie. Et ici, ce n’est pas ma propre manière de penser qui est
mise en cause, mais la réalité des faits qui nous percute actuellement de plein
fouet.
Deux siècles et demi avant nous, le philosophe français
Montesquieu, qui n’a pas toujours vu faux, avait déjà clairement fixé les
règles incontournables de cette loi de nature exclusive à la société
humaine : « Lorsqu’un État se trouve
dépeuplé par des accidents particuliers, des guerres, des pestes, des famines,
il y a des ressources », écrivait-il dans son Esprit des Lois. « Les hommes qui restent peuvent conserver l’esprit de
travail et d’industrie ; ils peuvent chercher à réparer leurs malheurs, et
devenir plus industrieux par leur calamité même. Le mal presque incurable
est lorsque la dépopulation vient de longue main, par un vice intérieur et un
mauvais gouvernement. Les hommes y ont péri par une maladie insensible et
habituelle : né dans la langueur et la misère, dans la violence ou les
préjugés du gouvernement, ils se sont vu détruire, souvant [sic] sans sentir les
causes de leur destruction. »
Le dernier demi-siècle de l’histoire du Québec semble
vouloir donner raison à l’auteur des Lettres
persanes. De 1971 à 2011, pour arrondir les chiffres étalés sur une trame
de quatre décennies, 1,245,272 Québécoises ont été stérilisées (cf., ISQ). Ce nombre,
auquel il faut ajouter les 803,846 interruptions volontaires de grossesse,
représentait le tiers de la population féminine du Québec en 2011, soit 84% de
toutes celles qu’on estimait, la même année, en âge de procréer. Dans le cas
des Québécois mis au monde pour les honorer à la manière du pays, il y a eu
conjointement 592,734 vasectomies, soit 15% des géniteurs de notre espèce
humaine fleurdelysée, métissée, mécaniquement châtrée. D’un point de vue
culturel et médical, la stérilisation des couples québécois est ainsi donc
entrée dans le monde de la routine et de la banalité lourdes de conséquences,
avant même que la question de l’avortement soit définitivement tranchée par la
Cour suprême, ce qui en faisait, avant 1988, un acte à la fois criminel et immoral.
Il a été établi qu’il faut un taux de fertilité[i]
de 2,11 par femme pour qu’une société puisse survivre, alors qu’en-deçà de 1,9
échelonné sur une période d’au moins 25 ans, elle court le risque d’être
absorbée par une autre (un fait qui, d’ailleurs, n’échappe pas aux lois
naturelles prévalant au niveau des civilisations humaines qui se sont
remplacées depuis les derniers représentants de Néandertal). Cela étant, au
Québec selon les données publiées en 2015 par l’Institut de la Statistique du Québec, le taux de fertilité se
situe à 1,7 (en comptant les immigrants de toutes provenances, y compris les
femmes de confessionnalité musulmane dont le taux de fertilité mondialement
reconnu est établi à 8,1 enfants[ii] !!!).
Juste pour nous donner une petite idée de la vitesse de ces changements
fondamentaux et irréversibles venus d’ailleurs, retenons que le nombre
d’immigrants internationaux entrés au Québec, était de 19,476 individus en
1986, de 29,179 en 1999, et de 53,981 en 2010. Et que le pourcentage des couples
de parents nés à l’extérieur du Canada est passé, au cours de la même période,
de 7,2%, à 12,8%, à 17,4%, et qu’il dépasse aujourd’hui les 20%[iii].
Indice par excellence pour visualiser la puissance de ces influences
culturelles allogènes et allochtones qui modifient notre manière d’agir et de
penser au Québec, notons encore que le pourcentage de femmes enceintes nées à
l’étranger et vivant à Montréal, est passé de 51% à 55% en seulement trois ans,
soit de 2009 à 2011.
Par voie de conséquence, il en résulte, toutes cultures
confondues, que la société québécoise telle qu’on l’a connue avant 1971 et
telle qu’on la connaît aujourd’hui, n’est tout simplement plus viable d’un
point de vue strictement arithmétique et qu’elle s’est elle-même livrée aux
caprices de l’immigration tous azimuts pour espérer pouvoir combler, un tant
soit peu, le vide ainsi créé par la somme de ses propres choix. Et là encore,
rien de gagné même avec cet apport de sang nouveau venant du Moyen-Orient,
puisque le Québec offre de moins en moins de possibilités à ces immigrants en
quête d’un second souffle, lesquels lui préfèrent largement le reste du Canada
multicultarisé qui leur offre, à maints égards, une terre d’accueil plus
viable, plus intéressante et plus prometteuse. Ces conditions favorables n’ont
d’ailleurs pas échappé au regard des Québécois de souche eux-mêmes qui fuient
la Belle Province pour les mêmes raisons. En 2014, le solde migratoire
interprovinciale a enregistré un déficit de 14,500 personnes, un déficit
supérieur à celui de l’année précédente. De sorte que, depuis le début des
années 1970, c’est plus de 615,000 habitants que le Québec a perdu au profit du
reste du Canada. Et le plus dramatique dans tout ça, c’est qu’il n’y a aucun
antidote pour nous soulager de cette nécrose qui nous ronge à cause de
l’irresponsabilité et de la stupidité des gouvernements successifs sur lesquels
pesait et pèse toujours notre destinée.
En fait, ce qui est en train de Nous arriver avec ce
bouleversement migratoire doublé d’un déficit récurrent de la natalité dans les
familles des peuples fondateurs du Québec, c’est exactement ce qui est arrivé
aux Amérindiens quand les Européens ont envahi l’Amérique du Nord au XVIIe
siècle. Nous accusons déjà les premiers contrecoups d’un nouveau choc de
civilisations et, bientôt, Nous ne serons plus que les Montagnais des
arrivants…
Russel
Bouchard
Historienne
Chicoutimi
[i]
Le taux
de fertilité représente le
nombre d’enfants nés d’une femme si elle vivait jusqu’à la fin de sa période de
fécondité, soit entre 15 et 49 ans. Ne pas confondre avec le taux de natalité qui est le rapport
entre le nombre annuel de naissances et la population totale moyenne sur cette
année (se calcule habituellement sur 1 000).
[ii]
Ce taux de fertilité de 8,1 concerne plus
précisément la France Au Québec, on l'estime entre 4 et 8.
[iii]
Toutes ces données proviennent des
rapports de l’Institut de la Statistique du Québec.
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